C’est une véritable question qui se pose alors que les capacités offertes par les soutes des avions gros-porteurs de transport de passagers reviennent en force avec l’augmentation graduelle du trafic, au fur et à mesure de la levée des restrictions de voyages un peu partout sur la planète, à l’exception notable de la Chine et de Hong Kong. Faut-il toujours investir dans la conversion de nouveaux appareils ?
Les deux années de pandémie ont clairement fait bouger le marché des conversions P2F (Passenger-to-Freighter), alors qu’arrivaient en même temps de nouveaux programmes de modification d’appareils (Airbus A321P2F, A321PCF, A320P2F…) et de nouveaux projets (777-LRMF de Mammoth Freighters, E-Jets cargo d’Embraer annoncé il y a seulement quelques semaines…). Les contrats de conversions se sont multipliés depuis maintenant quatre ans, et avec eux la multiplication des lignes de conversions pour des programmes relativement récents (737-800 cargo, A321 cargo, A330P2F) qui viennent progressivement grappiller des parts de marché face une génération plus ancienne et plus installée (737 Classic, 757, 767), mais qui reste encore moins coûteuse à convertir.
Sur le papier, la réponse est relativement simple. L’essor ininterrompu du e-commerce est un puissant moteur qui n’a pas encore atteint sa butée, en particulier dans les pays émergents. Les capacités des soutes des avions de transport de passagers reviennent, mais le contexte n’est pas encore à une nette augmentation de la taille de la flotte mondiale de gros-porteurs, avec plutôt une tendance visant au remplacement des appareils le plus anciens d’abord, en attendant le retour à un nombre de livraisons plus conséquent à partir de 2025 pour venir commencer à accroître à nouveau les capacités. L’Association du transport aérien international (IATA) est d’ailleurs particulièrement optimiste sur la croissance du secteur du e-commerce dans son dernier livre blanc baptisé « A new era for air cargo », avec une très nette augmentation de ses estimations pour 2025 (7400 milliards de dollars de transactions contre 4400 milliards envisagé avant la pandémie).
La multiplication du nombre d’avions tout cargo vient aussi logiquement répondre à des besoins croissants de flexibilité au niveau de la chaîne d’approvisionnement mondiale, avec de nouvelles synergies apparues avec le fret maritime par exemple (CMA-CGM, très récemment Maersk…) mais aussi avec la tendance à multiplier les centres logistiques pour se rapprocher des clients finaux et ainsi réduire les temps de transport.
Dans ce contexte, le secteur des conversions P2F devrait franchir les 150 appareils par an avant 2025, contre 70 seulement en 2020, avec une grande part de ces appareils provenant logiquement des seuls 737-800 et A320/A321. La tendance s’accélère d’ailleurs encore avec la récente annonce d’une possible ligne de modification au Brésil chez GOL Aerotech à Belo Horizonte pour le 737-800BCF (Boeing Converted Freighter), non encore confirmée par Boeing. Le salon MRO Americas qui se tient à Dallas jusqu’au 28 avril permettra peut-être d’en savoir un peu plus, tout comme éventuellement la provenance et le nombre des futurs A321 cargo qui rejoindront bientôt FedEx, concrétisant de fait sa place comme successeur du 757F. Quant aux gros-porteurs cargo, le marché reste encore solide même si les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les récents développements de la crise Covid en Chine apportent de nouvelles incertitudes qui pourraient ralentir les processus de décision, aussi bien pour l’acquisition d’avions neufs que pour des conversions d’anciens avions de transport de passagers.
L’impossibilité des transporteurs occidentaux à survoler l’espace aérien russe pour cause de sanctions sera-t-il un fait durable ? L’augmentation des temps de vol entre l’Asie et l’Europe va-t-elle de fait engendrer un besoin en nombre d’avions cargo plus importants ? Favorisera-t-il davantage les transporteurs du Moyen-Orient ? Les avions convertis seront-ils encore plus attrayants face à l’arrivée des programmes A350F et 777-8F pour des raisons opérationnelles ?
Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra encore du temps pour pouvoir répondre à ces quelques questions, sans doute même quelques années…
 
			 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
