Alors que la campagne présidentielle bat son plein et que le pavillon français ne cesse de se voir grignoter des parts de marché, l’Association des Journalistes Professionnels de l’Aéronautique et de l’Espace (AJPAE) organisait ce matin une rencontre avec des acteurs du transport aérien français à l’Aéro-Club de France. Jean-Marc Janaillac (Air France-KLM), Marc Rochet (Air Caraïbes) mais aussi Erick Derivry (SNPL France ALPA) et Pascal Mathieu (Collectif InterSyndical) ont ainsi pu exposer leur vision sur les différentes stratégies à adopter par les opérateurs français pour gagner en compétitivité.
Le constat était globalement partagé sur la fiscalité (charges patronales non plafonnées), sur l’augmentation et la multiplication des taxes et redevances (double caisse d’ADP, taxe Chirac…), sur le fait que la sûreté était très largement financée en France par les passagers, contrairement à la TSA américaine, et finalement sur le caractère « un peu schizophrène » de l’Etat. Même constat sur les mauvaises pratiques apparues en Europe comme celles des travailleurs détachés, sur les mécanismes du statut d’indépendant pour certains PNT, sur le système du « pay-to-fly ».
Le panel s’est montré évidemment beaucoup plus discret quant à la productivité de certaines catégories de personnel, même si le PDG d’Air France-KLM a tout de même souhaité indiquer qu’il semblait logique que les conditions de travail évoluent dans un contexte de plus en plus en plus concurrentiel.
Mais les fameuses ME3, les trois grandes compagnies du Golfe, en ont encore pris pour leur grade, alors que la Commission européenne est en train de définir ce que pourraient être les accords de ciel ouvert entre l’UE et les pays du GCC, associés à un mécanisme de sanctions en cas de pratiques déloyales. Jean-Marc Janaillac n’as pas manqué d’annoncer que selon lui, de même que pour Carsten Spohr son homologue du groupe Lufthansa, c’est tout simplement l’avenir de toutes les lignes directes entre l’Europe et l’Asie du Sud-Est qui pourrait ainsi être menacé à terme, citant par exemple la ligne d’Air France vers Kuala Lumpur fermée en 2015.
Là où le bât blesse, c’est lorsqu’on connaît l’histoire d’Air France dans cette région du monde. En excluant bien sûr Singapour et Hong Kong, il est difficile de croire que les compagnies du Golfe ont toujours été la cause des difficultés du transporteur sur ces destinations à faible yield. Il y a seulement dix ans, Air France ne desservait que Bangkok (quotidien) avec un prolongement sur Hanoï (3 fois par semaine) et Hô-Chi-Minh-Ville (4 fois) en A340 de 272 sièges. Durant des décennies, la compagnie n’a jamais voulu s’opposer à MAS entre CDG et Kuala Lumpur. À cela s’ajoute le développement de Vietnam Airlines, les mésaventures d’Air France en Indonésie et évidemment le haut standard des prestations proposées par les transporteurs asiatiques. Bien sûr, les ME3 ont massivement profité de ce marché pour croître, mais elles ont surtout été un moteur de développement sur les liaisons entre l’Europe et l’Asie du Sud-Est.
S’en prendre aux ME3 pour expliquer le manque de rentabilité de ces lignes, c’est un peu montrer du doigt l’arbre qui cache la forêt….

