C’est l’avion qui devait bousculer le duopole Airbus-Boeing. Le C919 de la Commercial Aircraft Corporation of China (COMAC) commence à prendre le chemin de l’ARJ-21, avec un nouveau décalage de calendrier qui s’annonce, repoussant les premières livraisons à 2019.
Bien sûr, les programmes entièrement nouveaux sont souvent victimes d’impondérables, on se souviendra longtemps par exemple des 29 mois séparant le roll-out et le vol inaugural du Dreamliner. Ces retards ne sont d’ailleurs pas nécessairement corrélés à son éventuel succès commercial, même si l’augmentation induite des coûts de développement pèsera évidemment durablement sur la rentabilité du C919.
Ce qui est plus grave, c’est qu’avec les A320neo et 737MAX, les deux grands avionneurs mondiaux n’ont pratiquement laissé aucune chance de succès commercial au premier moyen-courrier chinois. Et même si le prix d’achat semble particulièrement attractif par rapport à ses grands concurrents, pas sûr que le coût global d’acquisition soit réellement en faveur de l’avion de la COMAC sur le long terme, notamment au regard de la multitude d’équipements et systèmes d’origine occidentale présents à bord.
Pire, il semble aujourd’hui de plus en plus raisonnable de penser que Boeing n’attendra probablement pas 2030 pour se lancer sérieusement dans le remplacement de sa famille 737 (elle dépassera alors les 60 ans…), départ d’une nouvelle compétition technologique au niveau des avions moyen-courriers et qui rendra d’autant plus obsolète le C919 sur son marché.
On pourra évidemment remarquer que les trois grandes compagnies chinoises issues de l’ancienne CAAC, à savoir Air China, China Eastern et China Southern, ne sont pas encore massivement clientes des monocouloirs remotorisés d’Airbus et Boeing, ce que l’on ne manquera pas d’interpréter comme un véritable message de politesse envers la COMAC. Le sort de ce potentiel de près d’un millier d’appareils sera particulièrement intéressant à suivre.
Il n’en reste pas moins qu’un certain nombre de C919 seront un jour en service commercial, aussi bien en Chine qu’auprès de divers opérateurs étrangers. Même si ce programme ne devrait pas, sauf énorme surprise, dépasser le succès commercial relatif des Tupolev 204/214 en leur temps, le C919 est une priorité politique qui illustre la montée en gamme générale de toute l’industrie chinoise. Sa bonne réalisation est indispensable à la Chine pour figurer parmi les grandes nations de l’aéronautique dans la deuxième partie du siècle. Dans le cas contraire, son absence sera remarquée.
