Il est assis dans un fauteuil en cuir du nouveau salon de sa compagnie Jet Airways à Bruxelles et habite un luxueux appartement à Londres. Naresh Goyal aurait-il pu imaginer, il y a cinquante ans, qu’il en arriverait là ? Il était alors un enfant aussi pauvre qu’on peut l’être en Inde. Ayant malgré tout réussi à suivre toute sa scolarité et à décrocher un diplôme de commerce, il rêvait de poursuivre ses études à Londres. En vain : sa famille ne pouvait pas se le permettre. Alors, il est entré au service de Libanese International Airlines en 1967, comme agent de ventes dans l’agence de son oncle.
C’est ainsi qu’est venue la passion. Doué et assumant toujours de plus de responsabilités, Naresh Goyal apprenait chaque jour à mieux maîtriser son métier et à mieux connaître le secteur aérien, son effervescence et ce rôle magnifique de rapprocher les gens et les cultures. Jusqu’en 1974, il a travaillé pour différentes compagnies, dont Royal Jordanian Airlines et Philippine Airlines, approfondissant ses connaissances et enrichissant son carnet d’adresses.
Cette année-là, il a décidé d’inverser les rôles. Leader né, il a fondé Jetair, une société ayant pour but de fournir une représentation commerciale aux compagnies étrangères en Inde. Mais ses qualités de visionnaire se sont surtout manifestées en 1991, lorsqu’il a décidé de lancer Jet Airways, profitant de la libéralisation du trafic aérien lancée par le gouvernement indien. La compagnie, alors uniquement domestique, a effectué son premier vol le 5 mai 1993. Elle est l’une des rares de cette époque à avoir subsisté jusqu’à aujourd’hui.
Plusieurs fois primée pour la qualité de son service, Jet Airways dessert aujourd’hui 44 destinations dans toute l’Inde et maintient ses parts de marché à plus de 30% malgré l’arrivée de nombreuses concurrentes ces dernières années. Celles-ci, toutes low-cost, sont l’occasion pour Naresh Goyal de laisser éclater son rire chaleureux. Lui n’y croit pas et les qualifie de « low fares no margin » : toutes les compagnies indiennes ont les mêmes coûts opérationnels puisqu’elles utilisent toutes les mêmes infrastructures, les aéroports secondaires n’existant pas en Inde.
Jet Airways, elle, s’est diversifiée. La compagnie indienne s’est aventurée sur le secteur international en 2005 et a ouvert une base à Bruxelles en 2007, devenant la première compagnie indienne à créer un hub à l’étranger. Cette rapide croissance n’est pas près de s’arrêter : Naresh Goyal suit de très près les évolutions que vont entraîner les accords de Ciel Ouvert entre l’Europe et les Etats-Unis, prêt à saisir toutes les opportunités. Mais il a beau investir dans de nouveaux appareils et de superbes cabines, il ne perd pas l’Inde de vue : dotée d’un potentiel de développement extraordinaire, elle reste son marché prioritaire et privilégié.
Conscient de ses responsabilités et doté d’une connaissance parfaite de son secteur, Naresh Goyal est loin de coller à l’image austère qu’on peut se faire du chef d’une compagnie aérienne de cette ampleur. Si tous les regards se tournent vers lui lorsqu’il monte sur une estrade, cela ne vient pas seulement de son statut. Charismatique, dynamique, expansif et sans cesse en train de rire, cet homme de cinquante-huit ans n’a rien perdu de l’enthousiasme et de la passion de ses débuts. Cela se lit dans ses yeux.