Alors que Solar Impulse 2 (Si2) se prépare à quitter Mandalay (Birmanie) pour Chongqing, sa première escale en Chine, le Journal de l’Aviation a pu se rendre au Mission Control Center (MCC) de Solar Impulse à Monaco durant l’étape reliant Mascate (Sultanat d’Oman) et Ahmedabad (Inde) le 10 mars dernier. Cette occasion unique nous a permis de découvrir en temps réel l’activité de l’équipe Flight Strategy du groupe Altran qui, implantée au cœur du MCC, assure une grande part de la stratégie décisionnelle en amont ou pendant le vol de Solar Impulse.
L’équipe Simulation d’Altran dédiée à la trajectoire de l’avion solaire est menée par Christophe Béesau. Ce mathématicien spécialiste du calcul de probabilité et de statistiques dirige notamment la filière « Modélisation & Simulation » d’Altran Pr[i]me, une division du groupe d’ingénierie tournée vers la compréhension et la maîtrise des phénomènes complexes. Ses calculs ont déjà analysé l’équivalent de 150 milliards de plans de vol possibles depuis l’année dernière pour couvrir les 12 étapes prévues pour la réalisation du tour du monde de Solar Impulse, en prenant en compte les caractéristiques de l’avion solaire (performances, capacité de charge et de stockage de l’énergie), la météorologie au sol et en altitude, les contraintes liées à l’ATC et les marges de sécurité.
Mais les travaux de simulation menés par l’équipe de Christophe Béesau continuent pendant le vol ; comme nous avons pu le constater alors que Si2 volait au-dessus de la mer d’Oman, piloté par Bertrand Piccard. « Les météorologues du MCC prévoyaient une couche de cirrus en provenance d’Iran qui s’est déplacée sur la trajectoire de Solar Impulse, nous avons adapté la trajectoire pour réduire son impact sur les capacités de captage des cellules photovoltaïques » nous a-t-il annoncé, montrant aussi un diagramme des prévisions de charge des batteries de Si2 durant les différentes phases du vol. L’équipe Simulation d’Altran travaille ainsi de concert avec l’équipe météo, les ingénieurs de vol et le contrôle aérien, la stratégie du vol étant décidée au final par Raymond Clerc, le directeur de vol, en concertation avec le pilote.

Christophe Béesau, Responsable Altran en stratégies et prévisions pour Solar Impulse. Image © Aurore Martin / Aerocontact TV
Autre exemple de stratégie dynamique durant le vol, alors que Solar Impulse venait de franchir l’espace aérien indien, Raymond Clerc s’est rapidement entretenu avec Christophe Béesau pour accélérer l’arrivée de Solar Impulse à Ahmedabad, la plateforme aéroportuaire indienne accueillant de nombreux officiels souhaitant assister à l’arrivée de Bertrand Piccard à une heure pas trop tardive dans la nuit. « La solution fournie par nos calculs est de faire monter Solar Impulse encore plus haut, à plus de 25000 pieds, avant la disparition du soleil afin de lui faire gagner encore un peu plus d’énergie avant la tombée de la nuit » nous a précisé Christophe Béesau, qui a ensuite fourni un nouveau plan de vol au Directeur de vol dans les 5 minutes.
L’ATC est aussi une composante importante à prendre en compte, comme nous l’a souligné Yves-André Fasel, spécialiste du contrôle du trafic aérien de Solar Impulse et en contact avec les différents contrôleurs des espaces aériens survolés par l’avion solaire. « Il y a un actuellement exercice militaire américano-pakistanais et nous avons une restriction « timing » à prendre en compte sur la route » nous a t-il indiqué, précisant aussi que l’aéroport de Karachi était un aéroport de dégagement pour Si2.
En plus des deux ingénieurs de l’équipe de Christophe Béesau dédiés à la stratégie et aux prévisions déjà présents au MCC de Monaco, Christian Le Liepvre, Directeur de la fondation Altran pour l’innovation, RSE et partenariats, nous a indiqué que d’autres équipes du groupe étaient d’astreinte durant le tour du monde de Solar Impulse. Deux ingénieurs spécialistes système s’occupent par exemple « des faux négatifs du pilote automatique pouvant intervenir durant le vol ». Altran a en effet conçu le SAS (Stabilisation Augmentation System), un pilote automatique « très simple, très léger et très fiable » assurant le suivi de l’altitude et du cap de l’appareil.
Le groupe d’ingénierie a également développé le système d’alerte MAS (Monitoring and Alerting System), qui prévient le pilote ou le réveille lors des séances de microsommeil si certains paramètres du vol sont anormaux (déviation de trajectoire indiquée au SAS, angle de roulis dépassant quelques degrés…). Altran dispose enfin d’une équipe de 5 personnes basée en Italie qui a largement contribué au « Permit to fly » de Si2 délivré par l’Office fédéral de l’aviation civile suisse (FOCA) il y a quelques semaines, l’appareil ayant une immatriculation helvète.

Le MCC de Solar Impulse à Monaco. Image © Le Journal de l’Aviation
