Le centre industriel de Sagem implanté à Montluçon a fêté ses 80 ans le 3 octobre, en présence de nombreux cadres du groupe Safran et d’élus locaux. L’événement a notamment été marqué à deux reprises par le passage au-dessus des installations d’une formation de Mirage 2000D de l’armée de l’air, qui vient aussi de fêter ses 80 ans un peu plus tôt cette année. « La Sagem », comme on l’appelle dans toute la région, est en effet une véritable institution.
Créée en 1934 par le fondateur de Sagem, Marcel Môme, qui souhaitait s’implanter dans sa région natale, l’usine de Montluçon est aujourd’hui l’un des principaux centres de production du spécialiste français de l’optronique et de l’électronique embarquée. Comme l’a souligné Bruno Even, le Directeur général de Sagem, « l’établissement de Montluçon est le premier employeur du secteur privé du département de l’Allier ».
L’usine emploie aujourd’hui plus de 1200 salariés sur les 6600 que compte Sagem en France. Elle assemble notamment les drones tactiques Sperwer (bientôt 150 exemplaires produits) et les systèmes de guidage et d’augmentation de portée des trois versions de l’AASM (Armement Air Sol Modulaire), « un véritable missile non propulsé et pas une simple bombe » comme le rappelle le général Jean-Pierre Rayssac, le directeur du développement des Affaires Défense pour la division Avionique de Sagem.
Le site de Montluçon produits aussi de nombreux capteurs et accéléromètres pour l’avionique civile et militaire, même pour Thales (par exemple des composants pour les instruments de secours HSI), des plateformes optiques et optro-mécaniques (conduite de tir pour artillerie…). « Tout est fait en interne et nous ne sommes pas dépendant des sous-traitants » précise Jean-Pierre Rayssac, qui rappelle que l’usine de Montluçon a aussi des compétences historiques en mécanique et micromécanique. Mais la grande spécialité du site est la fabrication de centrales inertielles, un savoir-faire reconnu mondialement.
Coriolis, le temple français de la centrale de navigation inertielle
L’usine du groupe Safran de Montluçon est aujourd’hui à la pointe de la technologie avec son site Coriolis inauguré en 2011. Fruit d’un investissement de 50 millions d’euros destiné à rassembler l’ensemble de la production des centrales inertielles de Sagem, Coriolis assemble bien entendu les ensembles inertiels à base de gyrolasers qui ont fait sa réputation (avions civils et militaires, bâtiments de surface, sous-marin SNA et SNLE) mais aussi la nouvelle génération de centrale utilisant la technologie GRH (Gyroscope Résonnant Hémisphérique) beaucoup plus compacte mais affichant la même précision.
Pour Jean-Paul Herteman, le PDG du groupe Safran qui fût aussi à la tête de Sagem entre 2006 et 2007, « le site de Montluçon dispose de compétences qui n’existent qu’aux États-Unis, aucun autre pays n’étant capable aujourd’hui de produire des centrales inertielles affichant la même précision et la même fiabilité. »
Pour ce faire, l’usine dispose d’une surface de 11.000 m2 de salles blanches dont 1000 sont dédiés aux seuls senseurs GRH. Cette jeune technologie est née dans les années 90 et repose sur la mesure des déformations d’un capteur hémisphérique en Silice de quelques centimètres de diamètre (résonateur). Nécessitant l’assemblage de seulement 3 à 4 éléments tout en étant 10 fois plus léger qu’un gyromètre laser à performances comparables, les senseurs GRH permettent ainsi de réduire leur masse et leur volume, ainsi que leur consommation et énergie tout en réduisant les coûts de fabrication. Cette technologie affiche aussi une fiabilité hors-norme, visant une maintenance nulle. Selon un ingénieur de Sagem, un tel équipement peut ainsi être stocké sur étagère durant une période cible de 24 ans, puis être mis en service.
L’une des premières applications pour ce type de centrale inertielle est le système de guidage de l’AASM. Les applications civiles ne sont pas en reste avec par exemple les premiers essais d’une centrale de navigation à cœur GRH menés sur un Airbus A320 l’année dernière.
Le centre industriel de Montluçon dispose aussi d’un bâtiment dédié au support et à la maintenance des équipements de navigation inertiels, aussi bien pour le civil que pour le militaire. Certaines centrales gyromécaniques ont en effet été produites à la fin des années 70 (Super-Etendard, Mirage 2000) et leur maintenance doit être assurée jusqu’en 2030-2032, soit un maintien des compétences s’étalant sur plus de 50 ans.