Elles le répètent depuis plusieurs semaines : les compagnies aériennes ne sont pas favorables à pérenniser cette mesure qui consiste à laisser le siège du milieu vacant. L’IATA vient d’expliquer pourquoi plus en détail. Car si l’association a déjà tiré la sonnette d’alarme à l’encontre de cette idée en indiquant que cela pourrait aboutir à une hausse de 50% des tarifs des billets, elle s’appuie désormais sur des études plus précises pour mesurer son impact économique selon les régions et la limite de son efficacité sur le plan sanitaire.
Brian Pearce explique que, lors des précédentes crises, il avait suffi de baisser les prix des billets pendant quelques temps pour stimuler la reprise de la demande. Dans le cas de la crise liée à la pandémie de covid-19, cette recette peut en théorie être applicable car la demande risque d’être toujours très faible lorsque les frontières rouvriront, la surcapacité extrême et les prix du pétrole très bas (le baril de carburant d’aviation avoisine les 21 dollars). Un élément diffère toutefois : le risque d’une forte hausse des coûts unitaires avec les mesures de distanciation sociale et le renforcement des opérations de nettoyage qui aura un impact sur l’efficacité des opérations.
Dans ce contexte, l’IATA s’inquiète de la tendance actuelle de laisser le siège du milieu vacant sur les appareils qui volent pour protéger les passagers. Facile à mettre en place et peu gênante dans un contexte où la demande est quasi-inexistante, elle présente des risques immenses pour la viabilité des compagnies aériennes sur le long terme. En effet, elle les condamne à se contenter d’un coefficient de remplissage maximal de 62% en moyenne – 67% sur monocouloir, 60% sur gros-porteur et 50% sur les jets régionaux et les biturbopropulseurs. Or, si l’on prend l’exemple du monocouloir, les opérations étaient tout juste à l’équilibre avec un remplissage de 75% à 81% (selon les régions) avant la crise.
La conséquence est donc une augmentation des coûts au siège : de 50% sur monocouloir, de 67% sur gros-porteur et doublé sur les avions régionaux. Pour rattraper le manque à gagner et rester à l’équilibre, le prix des billets devrait donc augmenter. En partant d’un remplissage de 85% sur une capacité réduite de 62% (soit un remplissage de 53% par rapport au début de l’année), l’IATA estime que cette cette augmentation des tarifs devrait se situer entre 43% (en Amérique du Nord et en Afrique – Moyen-Orient) et 54% (en Asie). Pour l’Europe, elle serait de 49%.
« Est-ce une mesure nécessaire lorsqu’on considère les dommages qu’elle cause et la faiblesse des améliorations qu’elle apporte en termes de sécurité ? », demande Alexandre de Juniac
En plus de ne pas être viable économiquement et de mettre en péril des décennies de démocratisation du transport aérien, la mesure n’apporterait aucune amélioration en matière de sécurité selon l’IATA. Les premières études conduites par l’association auprès de quelques unes de ses membres montrent que les risques de transmission à bord sont faibles. Trois suspicions de transmission du covid-19 d’un passager à un PNC ont été détectées, quatre de pilote à pilote (le moment de transmission n’ayant pas été établi) et aucun cas n’a été relevé de passager à passager. La cabine d’un avion ne serait donc pas un foyer d’infection.
David Powell, médecin conseil, explique que les caractéristiques du voyage en avion jouent. En cabine, les face-à-face sont limités, les dossiers des sièges offrent une isolation des rangées les unes par rapport aux autres et les passagers se croisent peu. Ceux-ci évitent par ailleurs en général de voyager lorsqu’ils sont malades, évitent les contacts tactiles et respectent généralement les gestes barrière à bord, y compris hors contexte de pandémie. Enfin, la gestion de l’air en cabine est telle que l’air circule très peu d’avant en arrière, ne reste pas non plus stagnant et est très régulièrement changé et filtré, dans la majorité des cas par des filtres HEPA (sauf dans les appareils de très ancienne génération et certaines catégories de turbopropulseurs).
La réduction des risques sanitaires peut donc simplement passer par la prise de température avant l’embarquement, l’utilisation des services sans contact (à l’enregistrement et la dépose bagage), les gestes barrière et le port du masque. Autant de mesures que l’IATA encourage, aux côtés d’une limitation des déplacements en cabine, d’un nettoyage des cabines plus fréquent et de procédures simplifiées de catering.
L’association reconnaît elle-même que les données sur la transmission en cabine sont encore limitées mais espère qu’elle sera entendue, malgré le parti pris dont elle pourrait être soupçonnée. En France, les sénateurs de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable avaient montré leur conscience que la mesure du siège vacant était dangereuse pour la santé des compagnies mais ont demandé à ce que l’efficacité du traitement de l’air par les filtres HEPA soit scientifiquement démontrée.