L’Europe vient de porter un sérieux coup au transport aérien en Europe. Désireuse d’adopter une directive vertueuse et respectueuse de l’environnement, elle a négligé les réalités économiques en décidant le 8 juillet, avec l’accord du Parlement, d’intégrer le transport aérien au système d’échange d’émissions (ETS) à partir de 2012. Car si l’idée était soutenue par l’industrie en 2006, la situation économique a changé et la directive risque d’affaiblir les hubs européens.
Le système adopté concerne les émissions de gaz à effet de serre pour tous les vols intracommunautaires, ainsi que ceux au départ et à destination de l’Europe. Un certain quota d’émissions de CO2 sera attribué à chaque compagnie : 97% des émissions moyennes de 2004-2006 en 2012 puis 95% en 2013. Celles qui parviennent à réduire leurs émissions pourront vendre leurs quotas excédentaires aux autres (ou à d’autres industries).
Le point noir de la directive est qu’elle sera appliquée à toutes les compagnies quelle que soit leur nationalité. Or, comme l’expliquait récemment Pierre-Henri Gourgeon, directeur général délégué d’Air France KLM, cette décision est discriminatoire par rapport aux compagnies non européennes. Par exemple, pour un passager voyageant entre Bangalore et New York, une compagnie basée à Dubaï ne serait pas concernée par les droits d’émission contrairement à une autre basée en Europe. De même, un passager réalisant une liaison Paris – Pékin via les pays du Golfe utiliserait la moitié des droits d’émission d’une liaison directe puisque la compagnie utilisée n’aurait à s’en acquitter que pour le premier tronçon de vol. Et tout cela n’apporterait rien en matière de lutte pour l’environnement, voire aurait des effet contraires au but recherché.
L’IATA a immédiatement réagi à l’adoption de la directive et considère que l’Europe a choisi une « mauvaise approche, avec de mauvaises conditions et au mauvais moment. » En imposant l’ETS de manière unilatérale aux transporteurs hors UE, elle s’expose à des batailles juridiques. La seule voie possible est celle d’un système d’ETS global, négocié par l’intermédiaire de l’OACI.
Elle considère également que la directive européenne va coûter 3,5 milliards d’euros à l’industrie la première année. Selon l’association, ce qui équivaut à une nouvelle taxe va aller tout droit dans les caisses des gouvernements sans aucune garantie que cet argent sera utilisé pour des projets environnementaux. Enfin, cette taxe vient s’ajouter aux 190 milliards d’euros dont les compagnies vont devoir s’acquitter pour obtenir leur carburant.
L’IATA estime qu’avec une telle facture les compagnies font déjà de gros efforts pour réduire leur consommation, donc leurs émissions, notamment par le renouvellement de leur flotte et la traque à la consommation inutile. L’association recommande donc à l’Union de s’attacher davantage à mettre en œuvre le Ciel Unique Européen, qui, selon Giovanni Bisignani, « serait la plus importante action que l’Europe pourrait mener pour améliorer la performance environnementale. »