Il s’agit sans aucun doute de la plus désastreuse annonce de lancement d’un appareil commercial de toute l’histoire de l’aviation civile. Boeing a finalement choisi de proposer une nouvelle motorisation pour son 737, une recette déjà pratiquée à deux reprises depuis le lancement du programme de biréacteur en 1964, discernant logiquement que la méga commande d’American Airlines allait intégralement revenir à son concurrent Airbus. Car le pire scénario a bien failli se répéter. En 1992, la compagnie United Airlines, bien que descendante directe, comme Boeing, de la United Aircraft and Transport Corporation, choisissait la famille A320 au détriment du 737 EFIS qui ne pouvait convaincre. Le 737NG (Next Generation) fut lancé un an plus tard, toujours associé au plus gros coup d’Airbus aux États-Unis …
Bien que précipité, le choix de Boeing de remotoriser son 737 plutôt que de lancer un appareil entièrement nouveau est pourtant la bonne décision pour défendre ses parts de marché jusqu’à l’horizon 2025. L’avionneur américain restera compétitif sur les moyen-courriers de plus de 130 sièges jusqu’à l’arrivée, encore bien hypothétique, d’un nouvel acteur capable de briser ce duopole. De plus, Boeing, toujours hanté par le fiasco du Dreamliner, ne prendra pas de risque industriel démesuré et extrêmement couteux. Il pourra ainsi offrir des cadences de production élevées rapidement. Avec le carnet de commandes de la famille A320neo déjà garni jusqu’en 2018, c’est plus d’un millier d’appareils qui seront acquis dès les deux prochaines années, venant progressivement amortir les coûts d’investissement du programme estimés à plus de 2 milliards de dollars par de nombreux analystes.
La remotorisation du 737 est également une très bonne nouvelle pour Snecma et General Electric qui, via leur filiale CFM International, subtilisent de fait un tiers du marché des monocouloirs à Pratt & Whitney et son Geared Turbofan, une situation difficilement envisageable si Boeing avait choisi de lancer un avion entièrement nouveau. Quant aux compagnies aériennes, même si le nouveau 737 n’affichera pas de performances miraculeuses (un gain estimé à un peu plus de 10% en consommation de carburant), il restera un avion éprouvé, simple d’entretien, compétitif et facilement opérable pour les nombreuses compagnies utilisant la famille NG.
Aucune information technique concernant le nouvel appareil n’est encore publique à ce jour. Allongement des trains principaux et frontaux (photo), nombre de variantes envisagées, diamètre du fan, augmentation de capacité pour le modèle de base, localisation de la chaîne d’assemblage finale, tout n’est aujourd’hui que conjectures. Le 737 remotorisé n’a même pas encore obtenu le feu vert officiel du conseil d’administration de Boeing. Les enjeux ne sont évidemment pas qu’une affaire d’ingénieurs, et nul doute que l’avionneur de Seattle cherchera à empêcher l’arrivée d’un nouveau concurrent sur le bas du segment, contraignant par exemple l’avionneur brésilien Embraer à remotoriser également sa famille d’E-Jets plutôt que d’en lancer une nouvelle.