L’activité passage de Lufthansa va désormais reposer sur deux piliers : ses compagnies traditionnelles et sa low-cost. Après avoir travaillé à son développement sur les derniers mois, le groupe allemand s’apprête donc à faire d’Eurowings une compagnie plus autonome, avec une gestion bien séparée de ses partenaires Lufthansa, Swiss et Austrian.
Lors d’une conférence organisée à Paris le 22 septembre, Steffen Weinstok, directeur général France et Benelux, a exposé ce qui repose derrière cette stratégie et quelles vont être les orientations de l’activité « traditionnelle ».
Si Lufthansa devrait réussir à atteindre son objectif de dégager un bénéfice de 1,5 milliard d’euros cette année, elle est également consciente qu’elle ne peut pas en rester là face à la concurrence acharnée des compagnies low-cost et du Golfe. Deux dangers auxquels elle répond de façon ciblée.
Laisser Eurowings voler de ses propres ailes pour résister à Ryanair et easyJet
Eurowings est la réponse aux low-cost. Steffen Weinstok explique : « Lufthansa sait où sont ses limites et il reste peu de lignes en Europe qu’elle peut desservir avec un résultat positif. » Après avoir transféré toutes ses liaisons européennes ne partant ni de Francfort ni de Munich à Germanwings et l’avoir intégrée à Eurowings, la compagnie allemande va franchir un nouveau pas en donnant plus d’autonomie à sa low-cost. « L’histoire montre que la liberté est un facteur décisif dans la réussite », car l’utilisation des appareils et des équipages n’est pas la même que dans une compagnie traditionnelle.
Elle a déjà créé une Eurowings Europe cet été et décidé de l’ouverture d’une base à Vienne (la première hors d’Allemagne), avec des équipages d’Austrian Airlines. « Austrian a une longueur d’avance en termes de coûts de production », souligne Martin Riecken, directeur de la communication Europe du groupe Lufthansa.
Par ailleurs, Eurowings se prépare à lancer ses opérations long-courrier au départ de Cologne vers Dubaï, la Thaïlande (Bangkok et Phuket) et les Caraïbes (Varadero, Puerto Plata et Punta Cana) en novembre et décembre. Steffen Weinstok a souligné qu’aucune connexion ne serait mise en place, l’activité ayant vocation à être uniquement point à point. « Il faut laisser les choses simples, c’est la clef du succès. »
L’objectif pour Eurowings est de devenir la troisième compagnie à bas coûts en Europe, en termes de nombre de passagers, « avec des coûts inférieurs de 20% par rapport à ce que Lufthansa pourrait jamais atteindre. »
Sur les 600 avions du groupe, une centaine devrait être dédiée à Eurowings d’ici deux ou trois ans. « Le développement sera plus fort sous la marque Eurowings. Cela ne veut pas dire qu’il va s’arrêter chez Lufthansa. »
Miser sur la qualité contre les compagnies du Golfe
Lufthansa se transforme donc elle aussi. Elle vient d’achever la rénovation des cabines de toute sa flotte long-courrier et propose du wifi sur toutes ses lignes intercontinentales. Mais elle ne s’arrête pas là : Lufthansa a annoncé un service à l’assiette en classe affaires, elle compte offrir une connexion à Internet sur tous ses moyen-courriers (déploiement à partir du printemps 2016)… L’objectif est d’être la première compagnie européenne à décrocher les cinq étoiles au classement SkyTrax. « Il n’y a que la qualité qui peut convaincre les clients à prendre Lufthansa plutôt qu’une compagnie du Golfe. »
Elle a donc l’intention de continuer à développer des produits innovants et c’est également dans cette optique qu’elle a introduit 16 euros de frais supplémentaires pour les réservations passant par les systèmes GDS. Lufthansa souhaite ainsi passer outre les limites de ces systèmes, qui ne lui permettent pas d’afficher tous ses produits. « Nous ne voulons plus accepter ça. Si on se focalise uniquement sur un prix de billet, on ne sera plus profitables. Les low-cost font 30% de leur chiffre d’affaires grâce aux recettes auxiliaires. Il faut que Lufthansa puisse vendre ses produits séparément et facturer des services supplémentaires. Nous aimerions un flagship store virtuel où l’on peut acheter tous les produits que l’on offre. » Le tout sans démantèlement du service.
Un autre signe de la faculté d’adaptation de Lufthansa est le lancement de ses services loisirs en A340-300 (projet Jump). Tampa, Cancun, les Maldives et l’île Maurice par exemple seront desservies par ces appareils dont la cabine a été réaménagée pour abriter une configuration plus orientée sur les classes économiques, avec suppression de la First. Six avions ont été modifiés à ce jour, qui resteront exploités sous la marque Lufthansa au départ de Francfort à partir du 25 septembre. Mais leur exploitation sera plus efficace de 20% en termes de coûts grâce à de « nouveaux concepts imaginés par la maintenance et en cabine. » L’expérience a été tentée car le personnel a joué le jeu, les avions sont déjà amortis et la compagnie « pense qu’il y a une clientèle pour du Lufthansa loisirs mais pas forcément low-cost. »
« Nous avons l’objectif de développer l’innovation car cela fait partie de notre image de marque. Nous nous sommes peut-être un peu trop reposés pendant une période, sur ce domaine, mais c’est fini », conclut Steffen Weinstok.