Le revirement de la politique américaine vis-à-vis de l’Ukraine et plus généralement de l’Europe laisse le Vieux Continent face à ces pires contradictions. Dernier exemple en date, la tentative avortée d’Euronext de bannir les entreprises Airbus, Safran et Thales de son indice CAC 40 ESG au motif de leurs activités de défense, une absurdité qui en dit long sur les objectifs prioritaires de certaines instances européennes encore aujourd’hui.
L’accès au financement bancaire pour les acteurs du secteur reste d’ailleurs problématique depuis des années, en particulier pour les plus fragiles, la défense n’ayant décidément pas les mêmes faveurs que l’écologie au sein du pouvoir européen. Biberonnée aux thèses de la décroissance depuis quelque temps, l’Europe n’était peut-être finalement pas très loin de la décadence. Eric Trappier, le PDG de Dassault Aviation en remettait d’ailleurs encore une petite couche il y a quelques jours lors de la présentation des résultats de l’avionneur, indiquant que la taxonomie était plutôt contradictoire avec les enjeux de la défense en Europe.
Nous ne sommes vraiment pas du tout dans une « économie de guerre » et le renforcement de la défense de l’Europe va prendre beaucoup de temps, à un rythme bien éloigné des grandes phrases des politiques et des articles de presse toujours rédigés à la va-vite. Certains spécialistes versent aussi clairement dans l’anti-américanisme primaire, sans connaître l’impact que cela pourrait engendrer sur les capacités de défense actuelles du continent.
Le soi-disant « kill switch » inférant à l’utilisation des matériels de défense américains n’est pas un élément nouveau. Il pourra, dans le meilleur des cas, influencer certaines nouvelles acquisitions comme pour le remplacement des F-16 portugais, mais il ne devrait pas remettre en cause fondamentalement des contrats antérieurs de F-35, en particulier en Europe et au Canada. Il n’y a tout simplement pas d’alternative disponible dans les calendriers fixés.
L’Europe a aujourd’hui surtout grand besoin de munitions et d’armements pour remplir ses stocks, c’est la plus grande des priorités. Viendront ensuite, sur le plan aéronautique, d’importants choix politiques quant à nos capacités de renseignement, en particulier pour ce qui sera du remplacement des avions AWACS en France. Le choix de l’OTAN sur ce point a déjà été particulièrement lourd de sens.
Quant au long terme, certaines voix recommencent à douter quant à l’intérêt du SCAF par rapport à d’autres alternatives. Tom Enders, l’ancien PDG du groupe Airbus y voit un programme qui arrivera trop tard face aux nouvelles menaces qui planent aujourd’hui sur l’Europe, militant plutôt pour des technologies plus agiles comme les drones et les systèmes autonomes pour renforcer les capacités européennes de défense dans un délai plus court.
Enfin, nous ne sommes plus à une contradiction près…