L’annonce du reconfinement est tombée et la vision des compagnies aériennes s’est encore raccourcie. Une situation particulièrement criante lorsqu’Air France a annoncé en fin de semaine dernière ne pas avoir de perspective sur son programme de vols au-delà du week-end… Non pas que cette vision ait eu l’occasion d’être longue depuis le début de la crise. Mais après un été presque encourageant et malgré un net ralentissement de la reprise du trafic à partir de la fin du mois d’août, le secteur a un temps espéré que l’automne serait marqué par un plateau relativement stable.
Eurocontrol avait lancé l’alerte tôt : son directeur général Eamonn Brennan a révisé les prévisions de trafic en Europe drastiquement à la baisse en septembre et prévenu qu’il allait certainement devoir les revoir à nouveau. Les low-cost également, en mal de réservations alors que les passagers réservent de plus en plus à la dernière minute, ont annoncé des réductions importantes de programmes de vols, déjà élaborés à des niveaux bien inférieurs à ceux de 2019.
La multiplication des annonces de reconfinement, inaugurées par l’Irlande et maintenant de plus en plus suivies, ont tué tout espoir pour le quatrième trimestre. Traditionnellement plus difficile que le troisième en temps normal, il va sérieusement aggraver la situation des compagnies aériennes.
En France, la deuxième vague de l’épidémie de covid-19 arrive en effet alors que les moratoires sur les taxes et les charges qui avaient été consentis pour soutenir le secteur lors de la première vague arrivent à terme, alors que la dette des compagnies aériennes a explosé et alors que la question du remboursement des prêts garantis par l’Etat commence à se poser pour les sociétés qui en ont bénéficié. La crise des liquidités est plus importante que jamais et n’épargne personne.
Air France expliquait récemment qu’elle perdait dix millions d’euros par jour. Même si la compagnie a réussi à alléger ses coûts, elle estime avoir de quoi tenir moins d’un an avec sa trésorerie. Ainsi, après la présentation des résultats d’Air France-KLM le 30 octobre, Frédéric Gagey, le directeur financier du groupe, et Anne Rigail, la directrice générale d’Air France, ont tous deux soutenu qu’un renforcement des fonds propres, comme le groupe Lufthansa a, lui, pu en profiter, allait être essentiel pour aider le groupe à naviguer à travers la crise. Mais le groupe a été confronté à un autre problème à plus court terme : la menace (désormais écartée) d’échec du plan de soutien à KLM.
L’éventualité d’avoir des liquidités pour tenir jusqu’aux opportunités de l’été prochain, c’est plus que ne peuvent espérer la plupart des autres compagnies françaises, qui réclament elles aussi davantage d’écoute et de soutien à un Etat dont les caisses sont vides. Esquisser une stratégie à six mois est devenu un rêve, déclaraient des directeurs de compagnies la semaine dernière.
Mais dans ce brouillard persistant, il y a une lueur diffuse : le secteur est toujours capable d’intéresser les investisseurs, comme le montre le groupe CMA en entrant au capital du groupe Dubreuil ou le possible sauvetage de Corsair par des investisseurs ultra-marins. Au-delà de la promesse de restructuration et malgré les difficultés immédiates, il y a quand même une promesse d’avenir pour le transport aérien.

