L’adoption du MUTAA le 28 janvier par 23 pays de l’Union africaine pourrait être un immense bond en avant dans le développement du transport aérien africain. Signe que les consciences se sont éveillées sur l’importance du secteur pour l’économie du continent, il n’est toutefois que le premier pas vers une libéralisation du ciel, qui devra être soutenue par les compagnies aériennes et les gouvernements. « En faire une réalité demande aux gouvernements d’agir rapidement pour créer un cadre réglementaire favorable et rendre compétitives les compagnies aériennes qui se terrent derrière leur protection », avait déclaré Alexandre de Juniac, le directeur général de l’IATA.
Le travail ne fait que commencer et la tâche semble herculéenne pour faire tomber les barricades instaurées par chaque pays pour protéger son industrie du transport aérien de la concurrence. L’heure est à une plus grande libéralisation, à l’allègement des taxes, à l’harmonisation des régulations… autant de concepts avec lesquels le continent africain risque d’avoir du mal à se familiariser tant sont nombreuses les compagnies qui ont jusqu’alors compté sur l’hermétisme de leurs frontières aux acteurs extérieurs pour survivre.
Après des décennies de stratégies nationales, la mise en place d’un projet panafricain risque d’en échauder certaines. Des associations craignent déjà une concurrence déloyale, la mise en place du ciel ouvert s’étant décidée trop vite selon elles, avant la définition d’une politique commune en termes de taxes (aéroportuaire, carburant…), dans un contexte où les régulations économiques (taux d’intérêt, TVA) comme opérationnelles sont très disparates selon les pays et sans statuer sur le déséquilibre entre compagnies privées et compagnies d’Etat. Elles redoutent que l’ouverture du ciel ne profite qu’aux grands groupes, aux dépens des compagnies régionales et du trafic intracontinental.
Aujourd’hui, le transport aérien africain ne représente que 3% du transport aérien mondial, quand le continent abrite 15% de la population. Au fil des publications de l’IATA, l’Afrique apparaît toujours à la traîne en termes de développement et de rentabilité. Pourtant, en termes de potentiel, c’est tout l’inverse : tout reste à développer. Et c’est l’espoir que porte le marché unique du transport aérien en Afrique, briser les obstacles, permettre aux compagnies de croître plus facilement et plus rapidement grâce à un meilleur dialogue entre les autorités et une ouverture des frontières.
Avec cette première impulsion, le transport aérien africain est maintenant à la croisée des chemins. Il peut saisir cette occasion qu’il s’est donnée pour prendre un nouvel élan : s’adapter à une nouvelle donne, mettre en place des régulations équitables, devenir plus efficace économiquement tout en développant ses infrastructures (au sol comme dans la gestion du trafic), travailler à rendre les vols plus sûrs, pour se développer et prendre sa place dans le transport aérien mondial. Ou bien le MUTAA restera lettre morte.

