Les premiers effets de la pénurie de pilotes commencent à toucher diverses parties du monde depuis quelques mois. Même l’Europe, jusqu’à présent plutôt épargnée, en subit les premiers effets, comme en témoignent les véritables batailles rangées que se livrent aujourd’hui les grandes compagnies low-cost européennes, en particulier pour les pilotes les plus expérimentés (lire le précédent Edito : Laborieuse rentrée chez Ryanair). Il n’est d’ailleurs pas rare de voir ces mêmes compagnies partir chasser au Moyen-Orient, au Brésil ou en Asie du Sud-est, misant sur le retour de pilotes qualifiés qui s’y sont implantés et qui sont aujourd’hui déçus par une dégradation croissante de leurs conditions de travail ou à cause de la réduction d’avantages annexes, par exemple au sein de grandes compagnies du Golfe.
Mais cette pénurie n’en est pour l’instant qu’à ses débuts, car les importantes augmentations des cadences annoncées par les avionneurs ne font aussi que démarrer. Comme le rappelait d’ailleurs John Leahy, le directeur des ventes d’Airbus à l’occasion de la présentation des dernières prévisions de l’avionneur européen (GMF 2017-2036*), près des deux tiers des 34 900 avions commerciaux de plus de 100 sièges attendus dans les vingt prochaines années seront tout simplement destinés à accroître la flotte mondiale. L’étude d’Airbus table ainsi sur un besoin mondial de plus d’un demi-million de nouveaux pilotes de ligne sur la période, un chiffre astronomique, sans aucun précédent dans l’histoire, en constante augmentation, et qui concerne plus particulièrement la région Asie-Pacifique (41%). Les jeunes compagnies à bas coûts asiatiques sont d’ailleurs de loin les plus touchées aujourd’hui, et surtout en Chine où elles n’hésitent plus à proposer des contrats pour expatriés parmi les plus généreux au monde pour pouvoir assurer leur pérennité.
Évidemment, les différents avionneurs se sont préparés depuis quelques années déjà en accompagnant leurs clients dans les recrutements, les formations, voire en participant directement à la création de centres de training un peu partout dans le monde. Les compagnies aériennes disposent aujourd’hui de nombreuses solutions pour sourcer et former leurs jeunes pilotes, un marché extrêmement dynamique qui ne connait évidemment pas les tensions rencontrées au niveau des besoins en commandants de bord et en instructeurs.
Ces difficultés sont d’autant plus criardes que certains opérateurs ont sans doute un peu trop misé sur leurs personnels navigants pour gagner en compétitivité et accroître leur part de marché ces dernières années. Il est aujourd’hui évident qu’elles changeront rapidement leur fusil d’épaule et que le marché des pilotes expérimentés va se structurer et connaître une convergence certaine entre opérateurs, les compagnies traditionnelles poursuivant pour leur part leur politique de réduction de coût.
La mauvaise nouvelle est que cette convergence risque encore d’accentuer la pression sur les compagnies aériennes régionales et sur les opérateurs d’avions d’affaires durant de longues années, ces deux secteurs connaissant déjà d’importantes difficultés à garder leurs pilotes.
(*) Global Market Forecast 2017-2036 / Airbus Commercial Aircraft

