On pensait qu’elles avaient décollé vers des lendemains plus cléments. Mais les compagnies aériennes américaines n’ont pas eu le temps de souffler et de profiter de la croissance qu’un nouveau cycle de récession les a percutées de plein fouet. Quatre d’entre elles ont déposé le bilan à quelques jours d’intervalle rien que la semaine dernière et toutes sont en train de réduire plus rapidement que prévu leurs opérations.
Pourtant, les bilans de 2007 étaient plutôt encourageants. Fraîchement sorties du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites pour la plupart, les majors avaient enregistré des résultats positifs sur l’année 2007 (hormis Northwest Airlines). Pour United Airlines et Delta Air Lines, ils étaient même les premiers depuis le début des années 2000. Cependant, le bilan du quatrième trimestre, traditionnellement l’un des plus rentables, a fait comprendre que l’accalmie n’était que de courte durée : toutes ont enregistré des pertes sur la période.
Et la chute a été rude : quatre compagnies américaines ont déposé le bilan en une semaine. Aloha Airlines et Champion Air ont annoncé la cessation de leurs activités le 31 mars, ATA Airlines le 2 avril et Skybus (photo) le 5 avril. Toutes ont interrompu leurs opérations du jour au lendemain, sauf la compagnie charter Champion Air qui maintient les siennes jusqu’au 31 mai. Aloha a mis en cause la concurrence acharnée de la filiale low-cost de Mesa Air, Go!, et ATA la perte de son contrat le plus important, consistant en du transport charter pour les soldats américains et leur famille. Mais ces raisons n’ont fait que précipiter une chute amorcée par l’augmentation incessante des prix du pétrole et le ralentissement de l’économie aux Etats-Unis.
Comment se préserver ?
Si elles ont été moins rapidement mises à terre, les autres compagnies américaines ne font pas les fières. Elles avaient recommencé à embaucher du personnel navigant en 2007 : les recrutements ont été gelés en 2008. Pire, Delta Air Lines a envoyé un plan de licenciement à 30 000 salariés le 18 mars pour réduire ses coûts de personnel et espère qu’au moins 2 000 d’entre eux l’accepteront.
Elles ont également commencé à attaquer leur flotte domestique, les lignes intérieures étant les moins rentables. Delta va réduire sa capacité de 10% sur le segment d’ici le mois d’août en retirant quarante-cinq appareils (vingt monocouloirs et vingt-cinq appareils régionaux). United va en retirer une vingtaine parmi les moins performants de sa flotte d’ici la fin de l’année. JetBlue a également annoncé qu’elle allait en revendre une dizaine en 2008, soit quatre de plus que ce qu’elle avait initialement prévu. Enfin, Northwest Airlines vient de suivre le mouvement en annonçant le 3 avril le retrait de quinze à vingt appareils pour réduire sa capacité de 5%. Les premiers à partir seront dix DC-9, en juin et en automne.
Même la low-cost Southwest Airlines est touchée, elle qui a continué à afficher d’insolents bénéfices quand ses consoeurs se débattaient avec la faillite, les pertes et les créanciers. Elle a annoncé en 2007 qu’elle allait limiter sa croissance annuelle à 5% au lieu des 8% prévus, retardant ainsi la livraison de certains de ses Boeing 737 en commande.
Les plans B
Mais il se pourrait que tout cela ne suffise pas. Les compagnies américaines sortent en effet presque toutes de la protection du Chapitre 11 et ont donc un fonctionnement complètement optimisé, notamment au niveau de leurs dépenses. Leurs restructurations avaient déjà mené à une diminution de la capacité domestique et à la focalisation sur le long-courrier : il ne leur reste que peu de marge de manœuvre à ce niveau-là.
Elles mettent donc en œuvre des plans B. A commencer par la mise en place d’une taxe de vingt-cinq dollars (aller simple) sur le deuxième bagage enregistré. United Airlines a lancé le principe au mois de février, une brillante idée que ses consoeurs US Airways, Delta et Northwest se sont empressées d’adopter. Cette nouvelle charge pour le passager, déjà en vigueur dans le reste du monde, sera introduite au début du mois de mai. D’autres ont augmenté leurs taxes de façon plus « subtile », comme Spirit Airlines chez qui l’enregistrement de tous les bagages est déjà payant et qui a multiplié son tarif par deux. Southwest Airlines avait quant à elle introduit une taxe de cinquante dollars sur le troisième bagage enregistré à la fin du mois de janvier. Une autre idée pourrait être en train de germer : Frontier Airlines envisagerait à présent de faire payer les repas en vol.