Air France mettra tous les moyens de son côté pour obtenir ce qu’elle veut et cela comprend le harcèlement. La compagnie française se trouve en effet face à un problème de taille : l’augmentation du prix du kérosène, qui met une pression économique énorme sur tous les transporteurs. Pour lutter, Air France l’a dit et répété, le meilleur moyen à leur disposition est le renouvellement des flottes. Elle-même s’est engagée dans ce sens et va investir quatorze milliards d’euros entre 1998 et 2012 pour se doter d’appareils plus performants en terme de consommation.
Mais cela ne suffira pas. Lors de la conférence sur les engagements d’Air France en matière de développement durable le 9 juin, Pierre Vellay, le directeur de la flotte, a exposé sa politique à moyen et long terme pour améliorer les performances des avions. S’il a constaté des progrès en ligne avec les attentes d’Air France sur le long-courrier, il n’en va pas de même avec les appareils moyen-courriers. Par conséquent, il ne se passe pas un jour sans que la compagnie ne fasse pression sur les avionneurs et les motoristes pour obtenir une nouvelle génération de monocouloirs.
Une politique de flotte efficace
Air France a lancé sa politique de renouvellement il y a déjà plusieurs années. Entre 1998 et 2012, quatre cent vingt-quatre entrées et sorties d’appareils sont prévues, alors que la flotte de 1998 en comptait cent quatre-vingt-dix-huit. Bien lui en a pris. Car si elle exploitait aujourd’hui la même flotte qu’en 1998, sa consommation de carburant aurait été plus importante de 850 000 tonnes. A 1 400 dollars la tonne de kérosène, l’économie est de taille.
Globalement, la réduction de la consommation de carburant a été réduite de 12% en sept ans. La flotte actuelle consomme 3,95L par passager aux 100km, un chiffre qui descend à 3,8L pour la flotte long-courrier. Le but est de parvenir à une moyenne de 3,7L en 2012.
Pour cela, en plus de renouveler sa flotte, Air France s’appuie sur sa politique de hub, particulièrement efficace énergétiquement et écologiquement. En effet, l’utilisation d’une plateforme de correspondances permet de rassembler les flux de trafic et de concentrer les fréquences. Cela réduit le nombre de vols et entraîne l’utilisation d’appareils plus gros et plus économes. Un A380 consomme ainsi 20% de carburant en moins par siège qu’un A330.
Pierre Vellay, Directeur Avions nouveaux et Gestion de la flotte d’Air France. Photo © AéroContact
Relative satisfaction sur le long-courrier
Cette partie de la flotte est particulièrement performante et a également un avenir clair, technologiquement parlant. L’allongement du rayon d’action des appareils a poussé les avionneurs à tenter de diminuer autant que possible leur poids et les motoristes à améliorer les performances de leurs réacteurs en terme de consommation. A travailler assidûment sur ce problème, ils ont réussi à améliorer de 1% par an en moyenne les performances énergétiques des moteurs et des avions, faisant naître une nouvelle génération d’appareil tous les dix ans.
Air France a collé à ces améliorations en prévoyant par exemple le remplacement d’ici 2012 de tous ses Boeing 747 par des B777 bien moins gourmands, B777-300ER (Extended Range) pour le transport de passagers et B777F (Freighter) pour le cargo. Ainsi, sur la liaison Paris – Fort-de-France, un B777-300ER ne consomme que 2,6L aux cent par passager, un record. L’introduction de l’A380 en septembre 2009 va également permettre à la compagnie de réduire sa consommation. Le premier Super Jumbo sera placé sur la ligne Paris – Tokyo, sur laquelle il remplacera un A330 et un 777.
Aujourd’hui, Airbus et Boeing ont tout une panoplie d’appareils de nouvelle génération à proposer, qui couvrent les besoins pour les années à venir : les A350 et B787, les B777-300ER et les A380. Pourtant, Air France ne relâche pas sa pression sur les deux constructeurs et milite notamment en faveur d’une version allongée de l’Airbus A380.
La compagnie a également exposé ses attentes en terme de rayon d’action. Elle et ses consoeurs européennes ont la chance d’être positionnées de telle façon que toutes les plus lointaines destinations du monde se trouvent à peu près à la même distance de leur hub. Elles n’ont donc pas besoin d’appareils à ultra long rayon d’action. Au contraire, Air France estime que de tels appareils viennent dégrader l’économie potentielle qu’elle attend.
Air France réclame la nouvelle génération de monocouloirs
En ce qui concerne le moyen-courrier, Air France est catégorique : il y a urgence. Pierre Vellay l’a martelé : « il faut mettre un terme à l’observation mutuelle des constructeurs », aussi bien des avionneurs que des motoristes. Dans leur politique d’amélioration continue de leurs appareils, Boeing et Airbus ont toujours considéré comme une priorité l’amélioration des coûts de maintenance et de la fiabilité des B737 et A320, aux dépens de l’efficacité énergétique. Par conséquent, les A320 d’aujourd’hui n’ont rien gagné en terme de consommation par rapport à ceux de 1988. Pire, avec l’absence de croissance sur le moyen-courrier – la flotte se maintient autour des cent quarante appareils depuis huit ans –, la flotte va vieillir. Or, sans vision sur l’arrivée d’une nouvelle génération de monocouloirs, la compagnie ne peut pas établir un calendrier de renouvellement.
A la différence du long-courrier, la flotte court/moyen-courrier d’Air France, composée exclusivement de monocouloirs Airbus, va vieillir. Photo © AéroContact
Air France demande à présent un avion rupture, un « game changer », et ne cesse donc « jour après jour de faire pression sur les motoristes » dans ce sens. Pierre Vellay a illustré ses désirs par un objectif ambitieux : obtenir une réduction de 18% des coûts d’exploitation, ce qui équivaut à un saut technologique de deux générations pour rattraper le retard. Selon lui, les technologies pour sortir un nouveau monocouloir à l’horizon 2014-2015 sont connues, il suffit de redéployer les équipes d’ingénierie. Les enjeux se situent surtout sur la motorisation et Air France suit de près les essais sur le GTF de Pratt & Whitney, qui pourrait être testé à Toulouse, chez Airbus.
Airbus et Boeing n’envisagent cependant pas de le lancer avant 2019. Les deux constructeurs cherchent en effet à produire ce « game changer » avec l’objectif de lui faire consommer 20% de carburant en moins que les moyen-courriers actuels, ce qui présente un véritable défi technologique et nécessite de plus longues recherches. Mais aujourd’hui, le pétrole oscille entre 130 et 140 dollars. Alors Air France et ses concurrentes n’ont plus qu’une idée en tête : leur faire comprendre que 15% de réduction suffiraient à les combler.