L’accord était très attendu, car il implique désormais le monde entier. Après deux semaines d’intenses négociations, les États membres de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) ont voté en faveur du LTAG (Long-Term Aspirational Goal), la feuille de route qui doit ainsi guider leurs décisions pour que le transport aérien mondial atteigne le très ambitieux « net zéro » d’ici 2050.
La 41e session de l’Assemblée de l’OACI a donc adopté le renforcement du dispositif de compensation des émissions CORSIA à partir de 2024, l’utilisation de nouvelles technologies (tant au niveau opérationnel qu’avec la modernisation des flottes), mais s’est surtout engagé sur l’augmentation de la production et le déploiement des carburants durables d’aviation (SAF), levier indispensable pour réduire les émissions du transport aérien, car représentant à lui seul les deux tiers du chemin vers le zéro émission nette de carbone. Pour rappel, les SAF permettent de réduire de 75 à 80% les émissions de dioxyde de carbone d’un avion de ligne (sur l’ensemble du cycle de vie, c’est à dire en prenant en compte aussi la production et la distribution) par rapport au traditionnel carburéacteur JET-A1.
Les avionneurs et motoristes ont déjà démontré qu’ils seraient totalement prêts d’ici la fin de la décennie (certains comme ATR et ses PW127 bien plus tôt…) pour atteindre le 100% SAF. De nombreuses compagnies aériennes se sont déjà fortement engagées sur l’utilisation de SAF depuis les premiers essais en 2008 (Virgin Atlantic), avec plus de 200 000 vols commerciaux désormais réalisés chaque année avec un mélange utilisant au moins 1% de carburant durable d’aviation. L’initiative Clean Skies for Tomorrow regroupant de nombreux acteurs (avionneurs, motoristes, aéroports, compagnies aériennes, producteur de carburants) vise quant à elle les 10% de SAF pour 2030, prochaine grande étape annoncée sur la longue route vers la décarbonation de l’aviation.
Mais au-delà, les défis restent encore immenses quant aux futures capacités massives de production de SAF qui seront nécessaires pour atteindre l’objectif de 2050. Selon une récente étude publiée par le NLR (Netherlands Aerospace Centre) et l’Université de technologie de Delft, l’Europe, pourtant en pointe, ne pourrait tout simplement pas atteindre des objectifs de production de carburants durables d’aviation à partir de 2035 par manque de matières premières suffisantes, ce qui devrait rendre impossible le « net zéro » de l’aviation pour le Vieux Continent. Les émissions ne seraient alors réduites que de 40% en 2050 par rapport à des vols alimentés par du carburéacteur traditionnel.
Dans ces conditions, une réduction du trafic aérien serait alors le dernier levier à activer pour permettre à l’UE de respecter ses objectifs, avec une mesure aussi contraignante que celle décidée sur l’interdiction des nouvelles voitures à moteur thermique à partir de 2035 par exemple. Force est de constater que des propositions visant à une modération et à une maîtrise du trafic aérien se multiplient d’ailleurs depuis quelques mois, avec à la clé une inévitable explosion des prix des billets d’avion.
Si l’utilisation de SAF apparaît clairement ndispensable pour décarboner le transport aérien, sa production en quantité suffisante dès la prochaine décennie est peut-être aussi son seul gage de survie en Europe avant un véritable bouleversement…
