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Le Journal de l'Aviation » Industrie aéronautique » Les neurosciences au service de la sécurité aérienne

Les neurosciences au service de la sécurité aérienne

Léo Barnier Léo Barnier
1 février 2018
dans Industrie aéronautique
- Temps de lecture : 7 minutes
© A. Lemarchand

© A. Lemarchand

Alors que les erreurs humaines – ou plus exactement les problèmes d’interaction pilotes-systèmes – sont encore le principal vecteur d’accidents dans l’aviation, l’ISAE-Supaero a décidé de lancer en 2004 un laboratoire dédié à l’étude des facteurs humains et de la neuro-ergonomie pour améliorer la sécurité aérienne. Celui-ci réunit une équipe internationale pluridisciplinaire, composée de cinq membres permanents, d’un chercheur associé au CiNet (Center for Information and Neural Networks) japonais, sept doctorants et quatre postdoctorants, et collabore avec la NASA, les universités américaines de Stanford et Drexel, l’université canadienne de Laval.

Frédéric Dehais, enseignant-chercheur en neuro-ergonomie à l’ISAE-Supaero et titulaire de la chaire « Facteurs humains et neuro-ergonomie pour la sécurité aérienne » (lancée en 2014 avec le financement d’Axa), fait le point sur la démarche et les avancées en cours. Le laboratoire comprend aussi une autre chaire « Architecture de systèmes aériens avec l’homme dans la boucle », portée par son collègue Mickael Causse (lancée en 2016 avec le financement Dassault Aviation).

« Lors d’un événement, l’approche classique d’enquête pour la compréhension des facteurs humains est souvent très subjective avec l’interrogatoire des différents acteurs, débute Frédéric Dehais. Nous manquons de mesures objectives. » C’est pour combler ce manque qu’il mise sur les progrès des neurosciences et notamment de la neuroergonomie. L’objectif est de comprendre quels mécanismes neuronaux peuvent affecter la performance du pilote, afin d’améliorer la sécurité aérienne.

L’un des axes principaux de travail est l’appréhension par les pilotes des indications livrées par l’avion, notamment dans les cas de perte de contrôle en vol ou de collision avec le sol qui résultent souvent de facteurs humains. « Nous voulons mieux comprendre le cerveau et interagir avec lui, explique Frédéric Dehais. Nous essayons par exemple de savoir pourquoi un pilote n’entend pas une alarme sonore dans un cockpit ».


Après de premiers essais en IRM, les pilotes sont passés en simulateur. © A. Lemarchand

Prise en compte des facteurs extérieurs

Frédéric Dehais reconnait que les approches menées en laboratoire sont souvent très fondamentales, « déconnectées de la vie de tous les jours ». Dans son approche, son groupe de recherches a donc décidé de prendre en compte les facteurs humains tels que les effets de la charge de travail, du stress, de l’émotion ou de la fatigue et leur impact sur le comportement du pilote et sa capacité à gérer une situation.

Pour y arriver, le laboratoire de l’ISAE-Supaero a développé une méthode spécifique. Elle a d’abord consisté à réaliser des cartographies du cerveau avec des IRM fonctionnelles. « On voit très bien le cerveau, mais sans son environnement, détaille Frédéric Dehais. Nous avons donc mis en place des simulateurs simplifiés à l’aide de smart glasses ou avec un jeu de miroir dans l’IRM et un joystick. » Cela a permis d’avoir des visualisations plus représentatives de l’activité cérébrale du pilote dans son environnement aéronautique.

Une deuxième étape a été de déplacer les pilotes dans des simulateurs de vols complets (FFS) en les équipant de capteurs portables (électroencéphalogramme, électrocardiogramme, spectroscopie en proche infrarouge fonctionnelle) pour analyser leur activité cérébrale et cardiaque, ainsi que l’oxygénation des différentes zones de leur cerveau. Les pilotes ont aussi été dotés d’un système oculométrique (« eye tracking ») pour enregistrer leur activité visuelle en fonction de la situation. Enfin, cette seconde étape a été répétée en vol réel avec un DR400 ou un TB20.

Attention sélective

Dans le cas des alarmes, les chercheurs ont testé un scénario de type « course Red Bull » dans une machine IRM. Ils ont constaté que dans les phases complexes que sont les passages de portes, les pilotes n’entendaient pas 35 % des alarmes auditives. Le pilote concentre en effet son attention sur son objectif et n’est alors plus capable d’assimiler l’intégralité des informations sensorielles qu’il reçoit. « Dans ces phases, le cerveau visuel devient plus actif, explique Frédéric Dehais. Il vient alors complètement éteindre le cortex auditif. » De la même façon, la capacité du pilote à traiter plusieurs tâches simultanément sera réduite. Ce phénomène est renforcé par des facteurs comme le stress et la fatigue, qui réduisent les capacités de traitement du cerveau. Dans des situations extrêmes, les pilotes peuvent même perdre jusqu’au sens tactile.

Cette attention sélective se retrouve beaucoup dans les phases d’approches, notamment les plus difficiles, où les pilotes sont « fascinés » par la piste et ont du mal à s’en détacher. Ils peuvent manquer en moyenne jusqu’à 50 % des alarmes auditives. Avec le stress, la vision peut aussi être affectée. L’eye-tracking a révélé que les pilotes sont alors confrontés à une réduction de leur champ de vision à la seule piste, avec une fascination qui rappelle celle « entre une proie et son prédateur ». Cela touche aussi bien le pilote en fonction (PF) que celui non en fonction (PNF), pourtant censé surveiller les systèmes de bord, les communications et la check-list. Dans d’autres cas, ils ne sont capables que d’une vision saccadée, avec des mouvements rapides du regard qui n’arrive pas à se fixer sur un point précis.

Ces résultats donnent une vision générale, mais Frédéric Dehais précise qu’ils tendent à varier en fonction des individus. Certains pilotes ont ainsi une dominante visuelle, tandis que pour d’autres, elle sera plutôt auditive. Pour ces derniers, le taux d’alarmes sonores ratées sera inférieur, mais restera significatif.


Les pilotes ont été équipés de divers capteurs portables. © A. Lemarchand

Pression sociale inhérente aux pilotes

Un autre exemple est le syndrome de persévération. Dans certaines situations stressantes, le cerveau tend à revenir « au basique et à l’automatisme ». L’humain n’arrive plus à prendre de décision ou à s’adapter à la situation, et persiste dans l’erreur en dépit des éventuelles alarmes. Pour Frédéric Dehais, « cela peut expliquer certains comportements irrationnels ». Il prend pour exemple le fait que des études rapportent que dans 80 % des cas d’approches non stabilisées, pourtant identifiées par des critères objectifs (vitesse, pente, etc.), les pilotes continuent leur atterrissage en dépit des procédures.

Le chercheur donne également une dimension sociale à ce phénomène, qui se fait plus fréquent en cas de pression extérieure, même minime. Une expérience en IRM conduite par son collègue Mickaël Causse a démontré que l’introduction d’une somme d’argent – gain de 5 EUR en cas d’atterrissage réussi, une perte de 2 EUR en cas de remise de gaz justifiée et une perte de 5 EUR en cas de remise de gaz injustifiée – pouvait perturber sensiblement le comportement des pilotes. « Avec la mise en jeu d’argent, nous basculons vers un cerveau beaucoup plus émotionnel, explique Frédéric Dehais. Les aires dorsolatérales du cortex préfrontal s’éteignent et nous perdons en rationalité et en analyse. »
Le fait d’avoir des passagers à bord contribue par exemple à cette pression extérieure qui peut être intériorisée par le pilote. Cela laisse présager des effets sur les pilotes que peuvent avoir des consignes ou des objectifs économiques au sein d’une compagnie.

Adaptation des interactions

A partir de ces résultats, le laboratoire s’attelle à trouver des solutions pour optimiser l’interface « cerveau-machine » et des « contre-mesures cognitives » pour réduire les possibilités d’erreurs humaines. Les chercheurs ont notamment développé des algorithmes qui, à partir des données collectées par les différents capteurs, sont capables d’identifier quand un cerveau ne reconnaît plus les alarmes. Le taux d’alarmes ratées ou la réaction du pilote face à une approche non stabilisée pourront même être déterminés à l’avance. On peut alors réaliser un monitorage du cerveau et adapter les interactions avec lui pour obtenir les effets voulus. Frédéric Dehais espère ainsi poser les bases d’un cockpit intelligent capable de s’adapter au pilote, à ses spécificités, et à la situation. Des avionneurs travaillent d’ailleurs avec le laboratoire sur ces sujets.

Avant d’y arriver, le travail mené par le laboratoire pourrait permettre de développer des alarmes mieux adaptées, avec par exemple l’utilisation de la spatialisation. « Pour qu’elles soient efficaces, il faut faire attention à ne pas surcharger le cerveau, prévient Frédéric Dehais. Il faut aussi que le pilote ait confiance en elles. »

Certaines mesures peuvent aussi permettre de « réveiller le pilote » dans les phases de fascination, comme éteindre l’écran de vol pendant quelques secondes ou l’illuminer en rouge, ou encore faire vibrer les commandes. Des tests sont menés dans ce sens, notamment pour prévenir les risques de collisions.


Des vols d’essais réels sont menés dans le cadre des recherches. © ISAE-SUPAERO

Le pilote reste au centre

S’il évoque la possibilité de systèmes d’évitement automatique de collision pour améliorer la sécurité, il ne défend pas une augmentation de l’automatisation à bord. Il veut garder « le pilote au centre » et regarde plutôt comment « optimiser son couplage » avec les automatismes. Cela passe, par exemple, par une meilleure mise à disposition des informations dans le cockpit. « Avec l’eye-tracking, nous regardons comment faire remonter la bonne information au bon moment. »

Frédéric Dehais plaide d’ailleurs pour « redonner du sens au pilote », afin qu’il puisse « piloter aux fesses » et réduire sa dépendance aux instruments. Pour lui, cela passe par une adaptation sur la formation. De même, il travaille sur l’autorité dans le cockpit et la relation entre le pilote et le copilote. D’ailleurs, après avoir rencontré quelques réticences, voire des résistances, il reçoit aujourd’hui l’approbation des pilotes, convaincus par sa démarche.

Outre la tenue des deux chaires, le laboratoire de l’ISAE-Supaero collabore avec les organismes d’enquêtes et d’analyses français (BEA) et américain (NTSB). Il travaille également avec des compagnies aériennes, en particulier sur la question des approches non stabilisées. Enfin, il a créé une start-up spécialisée dans l’oculométrie pour analyser le comportement de pilotes et adapter en temps réel le cockpit.

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