Décrit comme une « capacité opérationnelle unique en France », le kit MORPHEE (MOdule de Réanimation pour Patient à Haute Élongation d’Évacuation) confère aux avions ravitailleurs C135 de l’armée de l’air une capacité sanitaire à long rayon d’action. Les deux modules, acquis en 2006, permettent le transport de blessés nécessitant un rapatriement dans des structures hospitalières basées sur le territoire national. Il s’agit de pouvoir offrir « un niveau de soins comparable à celui d’un service hospitalier en soins intensifs », un moyen complémentaire aux Falcon de l’ET 60 qui effectuent également des évacuations aérosanitaires.
Ce « service de réanimation volant » peut accueillir jusqu’à douze blessés, selon deux configurations différentes : une version comprenant six modules « lourds », destinés aux patients nécessitant des soins intensifs (sous oxygénothérapie et monitorage constant), une version mixte, qui peut accueillir quatre modules lourds et huit modules légers. Les équipements sont notamment composés d’un échographe, d’un laboratoire d’analyses biologiques, de modules de rangement, d’une table de préparation et d’une réserve d’oxygène distincte de celle du C-135FR.
L’équipe médicale compte douze personnels, deux réanimateurs-anesthésistes, trois infirmiers-anesthésistes, deux infirmiers, deux médecins aéronautiques, deux convoyeurs de l’air ainsi qu’un spécialiste, selon la mission. « Le douzième est en option, il peut être psychiatre, ORL, orthopédiste, spécialiste des grands brûlés, mais ça peut aussi être un technicien du matériel de santé, tout dépend de la mission », explique le médecin-chef Laurent. Un système d’astreinte 24h/24 d’une équipe complète a été mis en place, afin de pouvoir réagir au plus vite en cas de déclenchement.
« La mise en œuvre du kit Morphée requiert des compétences aéronautiques et médicales », détaille le médecin, qui précise que peu de pays dans le monde disposent d’une telle capacité sanitaire. L’Allemagne, la Grande-Bretagne et les États-Unis possèdent également un dispositif qui peut s’apparenter au module français. Les onze C-135FR de l’armée de l’air peuvent être équipés du kit à la demande, à la différence de l’Allemagne par exemple, qui a dédié un A310 MRT de la Luftwaffe aux missions d’évacuations aéromédicales.
Depuis son acquisition en 2006, le kit Morphée a été utilisé cinq fois. La première mission a eu lieu en mars 2008 au Kosovo, la seconde en août 2008 en Afghanistan, suite à l’embuscade d’Uzbin, les troisième, quatrième et cinquième interventions ont également été effectuées en Afghanistan, en avril 2011, septembre 2011 et janvier 2012.
A l’origine du déploiement du kit Morphée, un accident impliquant de nombreuses victimes, qui nécessitera le rapatriement rapide des personnels blessés en niveau D1 ou D2 (voir encadré). La première étape du processus, le déclenchement d’une alerte à six heures, Morphée jaune. Les personnels d’astreinte ont alors six heures pour rejoindre leur base de rattachement (BA 106 Bordeaux, BA 107 Villacoublay, BA 125 Istres), avant d’être transportés par C-130 Hercules ou C160 Transall pour ceux qui ont rejoint Villacoublay ou Bordeaux. « Dès que l’alerte est passée, il faut acheminer le matériel, stocké sur la BA 125 et approvisionné par l’ERSA (Établissement de ravitaillement sanitaire, NDLR) de Marseille », détaille le médecin-chef Laurent. Une fois l’installation des appareils médicaux effectuée, le C-135FR décolle depuis Istres pour la mission.
Sur place, c’est le temps de chargement qui est le plus chronophage. « Tout est multiplié par le nombre de blessés à monter dans l’avion, ça peut prendre entre deux et cinq heures », selon le colonel Laurent. A l’aide de chariots élévateurs tels que ceux qui existent dans les gros aéroports civils, les personnels, qui doivent assurer la continuité des soins, chargent les blessés dans un ordre précis, le plus grave en dernier, afin de pouvoir être évacué en premier à l’arrivée. De retour en France, l’avion est accueilli par des moyens d’évacuation et des escortes, afin de transporter les blessés le plus rapidement dans les hôpitaux militaires parisiens Percy et Bégin.
Avec l’arrivée future des A330 MRTT, les études d’adaptation du kit Morphée ont débuté, afin d’accélérer la phase de transition entre les deux générations d’avions. Il ne serait pour l’instant pas question d’adapter le kit aux A400M.
Retrouvez la première partie du dossier consacré à la médecine aéronautique ICI, avec un reportage à bord d’un C-135FR, lors d’un exercice d’entraînement à l’utilisation du kit Morphée.