Le week-end a été mouvementé pour les dirigeants d’EADS et d’Airbus. Après un mois de crise industrielle et financière, deux têtes, et non des moindres, sont tombées : Noël Forgeard, co-Président exécutif du groupe européen, et Gustav Humbert, Président du constructeur et membre du comité exécutif du groupe, ont présenté leur démission, immédiatement exécutoire, le 2 juillet. Ils sont respectivement remplacés par Louis Gallois, ancien Président de la SNCF, et Christian Streiff (à gauche sur la photo), ancien Directeur Adjoint de Saint-Gobain. L’arrivée de ces nouveaux pilotes va s’accompagner d’un changement du statut d’Airbus au sein du groupe.
En plus de la remise en question de l’A350, l’annonce de retards dans les livraisons de l’A380 a mené à ce jeu de chaises musicales. Le 13 juin dernier, le constructeur européen a en effet reconnu que les livraisons d’A380 seraient toutes repoussées de six mois jusqu’en 2009, avec seulement neuf « Super Jumbo » prévus pour 2007 au lieu d’une vingtaine. Un fort mécontentement s’est manifesté chez les compagnies aériennes clientes et l’action EADS a perdu le quart de sa valeur en une seule journée. Cette situation devrait avoir un impact négatif de 2 milliards d’euros sur les résultats prévisionnels de 2007 à 2010.
Cet événement a eu d’autres conséquences, qui ont achevé de ternir l’image du groupe. Car le co-Président d’EADS Noël Forgeard, anciennement Président d’Airbus, ainsi que plusieurs autres dirigeants, ont exercé leurs stock-options au mois de mars. Simple coïncidence ou délit d’initié ? L’AMF (Autorité des Marchés Financiers) enquête. Mais EADS a en plus de tout cela dû répondre des graves dysfonctionnements dans la transmission des informations entre le groupe et sa filiale Airbus.
Nouveaux visages
Noël Forgeard, après avoir affirmé pendant plusieurs semaines qu’il resterait à son poste, a fini par poser sa démission « dans l’intérêt d’Airbus », sans que celle-ci ait un lien quelconque avec les soupçons qui pèsent sur lui ou les retards de l’A380, selon ses dires. La structure bicéphale du groupe EADS n’est cependant pas remise en question. Thomas Enders, qui a conservé ses stock-options, conserve également son poste de co-Président exécutif. Il partage désormais la direction avec Louis Gallois, bien connu du secteur grâce à ses précédentes expériences de dirigeant de la Snecma et de l’Aérospatiale. Il était jusqu’à présent également membre du comité de direction d’EADS, au sein duquel il représentait l’Etat français, qui renforce ainsi son ascendant sur le groupe.
Noël Forgeard a entraîné Gustav Humbert dans sa chute. Le patron d’Airbus a déclaré vouloir « prendre la responsabilité de ces retards » et quitte le constructeur un an après en être arrivé au sommet. La parité entre dirigeants allemands et français en prend un coup. L’Allemand est en effet remplacé par le Français Christian Streiff, ancien Directeur Général Adjoint de Saint-Gobain, qui prend ainsi les commandes de la plus importante filiale d’EADS. Il dépend cependant de Thomas Enders.
L’indépendance d’Airbus sur la sellette
Airbus va également payer pour ces turbulences. La filiale d’EADS va perdre de sa superbe et de son autonomie. Dès que le groupe aura définitivement pris possession des 20% détenus par le constructeur britannique BAE dans la société, Airbus sera « étroitement intégrée » à EADS. Le premier pas vers la fin du règne de la filiale a été franchi le 2 juillet : la banque Rothschild a fixé à 2,75 milliards d’euros le prix de la transaction. Les actionnaires de BAE n’ont plus qu’à donner leur aval.