On a beaucoup parlé des dommages subis par le célèbre avionneur ukrainien Antonov liés aux combats qui se sont déroulés sur la plateforme d’Hostomel, près de Kyiv, avec notamment la destruction de l’An-225 Mriya dès le début de l’invasion russe fin février. Mais en s’attaquant à l’Ukraine, le président Vladimir Poutine vient aussi de tuer dans son ensemble tout le secteur de l’aviation commerciale russe pour de nombreuses années, que ce soit au niveau des avionneurs, des motoristes ou des sociétés de maintenance.
Malgré la tendance à vouloir « russifier » davantage ses programmes en cours, comme le SSJ-New (motorisation PD-8 d’Aviadvigatel, nouveaux atterrisseurs Technodinamika…) ou le MC-21-310 (réacteurs PD-14), tous les programmes d’avions commerciaux russes sont forcés à un arrêt complet, car encore très dépendants des technologies occidentales (au moins la moitié des équipements). Les répercussions sur l’ensemble du tissu industriel russe, y compris pour les motoristes, seront évidemment très importantes, faute de pouvoir livrer un quelconque appareil tant que les sanctions économiques resteront en vigueur.
Le remplacement des systèmes avioniques conçus et fournis par des sociétés comme Thales ou Collins Aerospace pour les programmes russes ne pourra pas intervenir avant de nombreuses années par exemple, malgré toute la bonne volonté que pourront afficher Rostec et ses nombreuses filiales.
Il en est évidemment de même pour le projet d’avion long-courrier sino-russe CR929, même si l’on peut déjà prédire que les deux industriels partenaires COMAC et United Aircraft Corporation chercheront à évacuer toute participation occidentale à ce programme, réduisant aussi de fait toute menace potentielle sur les dernières générations de gros-porteurs européens ou américains.
Alors on peut lire ici ou là que la Russie entend relancer la production d’avions commerciaux d’un autre siècle comme les Tupolev Tu-214 et Iliouchine Il-96 (dans sa version -400). À beaucoup plus court terme, les avions des compagnies russes vont bientôt manquer de pièces de rechange et la multiplication des AOG est inéluctable, même pour une simple panne de système qui ne pourra être résolue convenablement à l’aide des centres d’assistance des OEM. Et ce n’est pas en imposant aux loueurs occidentaux de recevoir des paiements en roubles que les choses vont s’arranger.
Vladimir Poutine voulait des avions plus russes et c’est désormais une réalité. Reste maintenant à savoir qui sera à même de ressusciter l’aviation commerciale en Russie. Une chose est sûre ; ça va prendre du temps.