Entretien avec Thierry Baril, le directeur général des ressources humaines d’EADS (futur Airbus Group dès janvier 2014) et d’Airbus sur les recrutements.
EADS a annoncé 5 000 recrutements en 2013. Parmi ces embauches, une part est-elle réservée aux anciens salariés de l’automobile ?
Il n’y a pas de part réservée. L’ensemble de la profession travaille main dans la main autour du GIFAS pour aider l’industrie automobile sur quelques centaines de postes. L’avion des métiers (lire l’article : L’avion des Métiers se pose au Salon du Bourget) déployé sur le dernier Salon du Bourget est l’un des fruits de cette collaboration. Durant ce même salon, une table ronde a été organisée entre la fédération de l’industrie aéronautique et celle de l’automobile. L’objectif était de regarder les passerelles existantes entre les deux industries. Mais aussi les spécialités sur lesquelles l’industrie de l’automobile est en avance sur nous, notamment les métiers en rapport avec l’organisation de la supply chain, la qualité, l’amélioration continue de la performance industrielle… C’est le genre de compétences qui nous intéresse particulièrement. Les profils de compagnons et d’ouvriers intéressent surtout la chaine de fournisseurs.
Après, les principaux freins que nous allons rencontrer concernent les mobilités géographiques. En effet, l’aéronautique et l’automobile ont très peu de bassins d’emplois en commun en France. Par conséquent, les entreprises dont le bassin d’emploi est parisien auront plus de capacité d’accueil que nous, dont le bassin d’emploi est plutôt toulousain. Il faut noter que les ingénieurs sont plus mobiles que les compagnons et nous en tenons compte.
Les recrutements du groupe EADS en 2013 5 000 postes à pourvoir dans le monde : – Airbus : 3 000 postes, dont 1 300 en France – Astrium, Cassidian et certaines des principales filiales du groupe dans le monde : 1 000 – Eurocopter : 1 000 12 000 personnes recrutées entre 2012 et 2013, dont 7 000 emplois nets. Profils recherchés : le groupe aéronautique européen recrute dans toutes les catégories, mais recherche particulièrement des ingénieurs systèmes, ingénieurs aérostructures (résistance des matériaux), ou encore au sein de la supply chain et de la production (montée en cadence sur de nombreux programmes dont l’A350). |
Les PME aéronautiques rencontrent des difficultés à recruter. Avez-vous des actions spécifiques pour les aider ?
Oui. Nous menons de nombreuses initiatives pour aider nos partenaires industriels de rang 2 et 3 qui n’arrivent pas à recruter à la hauteur de leurs besoins. Ces PME ne disposent pas de moyens de formation et ne sont pas toutes visibles sur le marché. Aussi, parce que nous avons besoin qu’elles aient les bonnes compétences, nous avons mis en place des actions concrètes comme le rendez-vous de recrutement « Carnet de vol alternance », le système de partage d’alternants… Nous travaillons aussi avec Pôle emploi à travers la méthode de recrutement par simulation. Nous avons obtenu des résultats plus qu’encourageants à Toulouse.
Comment expliquez-vous cette pénurie de profils qualifiés dans l’industrie aéronautique ? Est-ce parce que le secteur n’a pas su anticiper ses besoins futurs en matière de recrutement ?
Les besoins de recrutement ont été très importants ces dernières années. Toutes les entreprises de l’aéronautique présentent en France ont lancé au même moment leur plan de recrutement. Je pense donc que nous avons assez bien anticipé. Mais, est-ce que le système éducatif en général était capable de répondre à toute la demande ? Non. Est-ce que nous avons fait tout ce qu’il fallait faire ? Oui, nous avons bien travaillé puisque nous avons largement développé des partenariats notamment avec l’éducation nationale et de nombreuses grandes écoles.
Par ailleurs, la filière est confrontée à un problème de désaffection sur certains métiers, notamment chaudronnier, un métier pourtant exceptionnel qui a beaucoup évolué au cours de la dernière décennie. Notre objectif aujourd’hui est de rendre les métiers en tension plus attractifs. Des discussions sont menées avec Michel Sapin, le ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social. Nous voulons convaincre les familles que ces métiers offrent de nombreuses perspectives d’évolution.
Chez EADS rencontrez-vous des difficultés à recruter en France ou à l’étranger ?
EADS étant une entreprise très attractive auprès des jeunes diplômés en France, nous ne sommes pas confrontés à des problèmes particuliers de recrutement. Dans les autres pays d’implantation du groupe non plus. Mais, il existe différents niveaux d’attractivité selon les pays : alors qu’en France et en Espagne nous sommes l’employeur préféré, en Angleterre nous sommes moins attractifs puisque nous ne représentons que 13 % de la totalité des activités Aerospace et défense. En Allemagne, ça progresse énormément. La dernière enquête menée auprès des candidats potentiels sur le marché du travail nous a fait apparaitre avec la marque Airbus en position numéro 5 derrière les grands de l’automobile et devant Daimler ! Beaucoup moins connus et attractifs dans le passé, nous avons rejoint ce top 5 au prix de beaucoup d’efforts. En Allemagne, nous rencontrons donc un peu plus de difficultés qu’en France à recruter, même si aujourd’hui de plus en plus de jeunes diplômés nous ont identifiés comme pouvant offrir de multiples opportunités de carrière. Notre objectif est de devenir l’entreprise réflexe des étudiants dans tous les pays où nous sommes présents.
Les Ingénieurs spécialisés dans l’aéronautique manquent également sur le marché de l’emploi. Est-ce parce qu’ils rejoignent d’autres secteurs beaucoup plus attractifs économiquement parlant comme la banque ou l’assurance ?
Avant la crise financière de 2008, certains jeunes ingénieurs spécialisés en aéronautique, notamment ceux diplômés de Supaero, optaient pour une carrière de trader. Ils étaient surtout motivés par l’appât du gain. Aujourd’hui, les jeunes diplômés des grandes écoles prestigieuses du secteur aéronautique et spatial reviennent spontanément vers nos métiers. Le problème n’existe donc plus avec la même ampleur.
Est-ce parce que vous avez revalorisé les salaires ?
Tout d’abord, nous faisons attention à ne pas rentrer dans des syndromes de bulles. Ensuite, nous ne faisons surtout pas de mise aux enchères. Je pense qu’EADS a des politiques salariales et des avantages en général très bien positionnés. Concrètement, si je prends les trois dernières années, les politiques salariales que nous avons mises en place au sein du groupe sont largement supérieures à la moyenne de l’industrie. Quand d’autres entreprises gèlent leurs salaires pour des raisons liées aux crises économiques, chez EADS nous continuons de les augmenter de manière très significative et au-delà du niveau d’inflation. Notre investissement est reconnu et nous ne rencontrons finalement pas de problème de recrutement lié au salaire.