Delta Air Lines a tout fait pour contrer l’offre hostile d’achat de US Airways l’année dernière. Mais elle ne refuse pas toute idée de fusion pour autant. Richard Anderson, le CEO de Delta, a reçu le 11 janvier dernier l’autorisation de son Conseil d’Administration pour entamer des négociations dans cette voie avec Northwest Airlines et United Airlines. Aucune des trois compagnies américaines n’a encore souhaité commenter cette information publiée par le quotidien américain Wall Street Journal. En revanche, un représentant du Congrès, le républicain James Oberstar, a confirmé le 16 janvier que des discussions avaient été engagées entre Delta et Northwest.
Quel que soit le partenaire avec lequel Delta s’entendra s’il y a fusion, la compagnie créée sera numéro 1 mondial, devant American Airlines. En terme de passagers, Delta et Northwest combinées transporteraient plus de 177 millions de passagers annuels, Delta et United plus de 220 millions, alors qu’American Airlines n’en a acheminé « que » 120 millions en 2006. En terme de chiffre d’affaires, Delta et Northwest pèseraient plus de 29 milliards de dollars, Delta et United plus de 36 milliards, contre 22,5 milliards de dollars pour American Airlines.
Mais un rapprochement avec Northwest semble plus plausible. Richard Anderson est en effet l’ancien CEO de Northwest et connaît donc très bien les deux compagnies. Elles sont également déjà partenaires au sein de l’alliance SkyTeam et bénéficient depuis plusieurs années d’une immunité antitrust, leur permettant d’harmoniser leurs programmes de vol. Elles ont enfin lancé un projet de joint-venture transatlantique avec Air France KLM qui doit voir le jour en avril. Une fusion avec United Airlines, membre de Star Alliance, pourrait tout remettre en question.
Air France, très proche de Delta, pourrait apporter son soutien stratégique ou financier à sa partenaire dans la réalisation de ce projet, selon l’édition du 17 janvier du Wall Street Journal. Ce serait une façon de peser pour que le rapprochement se fasse en faveur de Northwest et sauver ainsi tous les projets qu’elle a conduit et dans lesquels elle a investi récemment, voire d’obtenir des parts dans la nouvelle compagnie, ce qui sera facilité avec l’entrée en vigueur de l’accord de Ciel ouvert entre les Etats-Unis et l’Europe à la fin du mois de mars.
Premières réticences
Mais même une fusion avec Northwest, plus petite que United, ne se fera pas sans résistance aux Etats-Unis. James Oberstar a déjà annoncé qu’il ne la voyait pas d’un très bon œil. Et même si le Congrès n’a pas à mettre son grain de sel dans le dossier, l’opinion de ce représentant et d’autres peut influencer les autorités antitrust qui vont avoir fort à faire dans les prochaines semaines. Cette fusion entraînerait en effet la création d’une méga compagnie, avec toutes les conséquences que cela peut entraîner sur la concurrence, donc sur le tarif des billets et l’abandon de certaines liaisons. Sans compter les synergies qui entraîneront inévitablement des réductions d’effectifs. Or les deux compagnies sortent toutes deux de la protection du Chapitre 11, une expérience traumatisante pour les salariés puisque Northwest a à elle seule réduit de près de 50% sa masse salariale et que toutes deux ont diminué les salaires des employés épargnés.
Cependant, les deux compagnies qui fusionneront peut-être auront beaucoup à gagner. Cela leur permettra en effet de réduire leurs coûts, notamment sur le poste carburant dont la part dans les dépenses des compagnies ne cesse de grimper et devient de plus en plus problématique. Le prix du kérosène a même été responsable du déficit enregistré par American Airlines au quatrième trimestre 2007, le premier après un an et demi de bénéfices.
Elles pourraient également se renforcer grâce à l’harmonisation de leurs réseaux et l’abandon de liaisons redondantes. Northwest Airlines apporterait la force de son réseau Pacifique à Delta et Delta celle de ses puissantes liaisons transatlantiques. Ainsi plus forte, la nouvelle compagnie serait en meilleure position pour faire face à la compétition accrue apportée par l’accord de Ciel ouvert.