« Le SCAF fait partie de nos cibles », Jean-Marie Carvalho, Vice président d'Actuation Systems chez Collins Aerospace

Propos recueillis par Romain Guillot
le 12/06/2022 , Industrie de défense, Aviation militaire
La branche Actuation Systems de Collins Aerospace est présente au salon Eurosatory qui se tient au Parc des expositions Paris-Nord Villepinte du 13 au 17 juin. Avec ses deux sites français implantés à Saint-Marcel, près de Vernon (Eure) et à Saint-Ouen-l'Aumône (Val-d'Oise), Actuation Systems est un important partenaire de la défense française, notamment avec la production et la maintenance de servo-commandes et de systèmes hydrauliques et carburants pour de nombreux avions et hélicoptères militaires. Depuis le début de l'année, Jean-Marie Carvalho, ancien PDG d'Actuation Systems France, a pris la responsabilité de l'ensemble des sites mondiaux de l'équipementier. Dans cet entretien, il nous expose les ambitions d'Actuation Systems au niveau des nouveaux programmes aéronautiques militaires en Europe...

Quels sont les produits proposés par Actuation Systems pour l'aéronautique ?

J'aime à dire qu'à partir du moment où il y a quelque chose qui bouge sur un avion ou un hélicoptère, il y a Actuation Systems derrière. Notre métier c'est de faire bouger les surfaces. Dans ce portefeuille, nous allons retrouver des commandes de vol primaires, l'actionneur de plans horizontaux (THSA), un actionneur très particulier, car unique sur chaque appareil, des actionneurs dits secondaires, par exemple pour déformer la voilure lors des phases de décollage et d'atterrissage. Nous faisons aussi des systèmes pour nacelles, des « anti-ice valves », ainsi que des structures en composites, par exemple des tubes d'approvisionnement en carburant. Cette dernière technologie est extrêmement intéressante pour l'avenir de l'aéronautique parce que dans cette recherche de solutions plus intégrées et moins lourdes, le composite est vraiment un différenciateur. Nous faisons aussi tous les systèmes d'actionnement propres aux appareils militaires, par exemple pour les portes de soute à armement, et nous faisons aussi des actionneurs de missiles.

Nous avons donc un portefeuille extrêmement dense au niveau de l'actionnement de vol. Nous sommes actuellement l'acteur du marché qui a le plus d'expérience, avec plus de 6,4 milliards d'heures de vol, notamment parce que nous sommes présents sur les actionneurs de plateformes commerciales à succès comme l'A320. Cette expérience est sans commune mesure par rapport au reste de la concurrence sur ce type d'appareils. Nous parlons d'une activité qui compte à peu près 3000 employés répartis sur neuf sites dans le monde : trois en Italie, deux en France, deux en Angleterre et deux aux États-Unis.

Et depuis la France vous couvrez des programmes américains ?

Oui nous couvrons certains programmes américains, notamment le fer-de-lance de notre site de Vernon qui est l'hélicoptère lourd CH-53K King Stallion, avec l'actionnement du rotor principal (MRA) et celui du rotor de queue (TRA).

Vous collaborez déjà aussi sur le futur avion de combat Tempest au Royaume-Uni. Peut-on imaginer des synergies ou des retombées technologiques pour le SCAF ou pour d'autres programmes européens ?

Nous avons cette possibilité, évidemment, de pouvoir créer des leviers au niveau de notre expertise, car nous sommes un acteur qui est présent à la fois sur le sol britannique, sur le sol français et sur le sol américain. C'est clairement des choses que nous pouvons faire, mais nous devons aussi faire attention avec tous les éléments qui sont liés à la propriété intellectuelle par exemple, ou aux éléments de souveraineté industrielle, qui sont extrêmement forts et sur lesquels les nations sont très vigilantes. En termes de savoir-faire par contre, avec une entreprise qui compte 3000 employés et plus de 500 ingénieurs, cela crée des bénéfices qui sont sans commune mesure pour les clients qui voudraient opérer sur ces avions de sixième génération.

L'expérience que nous vivons sur le Tempest, sous condition évidemment de propriété intellectuelle et de souveraineté industrielle, peut créer des bénéfices pour les acteurs français et allemands du programme SCAF par exemple, aussi bien sur l'appareil en lui-même que pour les effecteurs déportés autour de lui. Nous avons très à coeur de maximiser notre connaissance de ces produits, notre empreinte française, nos capabilités françaises, pour offrir la meilleure des solutions au programme. Nous sommes l'un des acteurs historiques de la défense française et logiquement, le SCAF fait partie de nos cibles.

Comment imaginez-vous la prochaine génération d'actionneurs pour ce type d'avions de combat ?

Il y a une volonté de fiabilité extrêmement élevée pour ces appareils. Nous sommes sur des niveaux de robustesse qui sont très forts. Je pense que cette volonté d'intégrer l'actionneur au plus près de la surface, c'est quelque chose de très important pour le monde militaire. Il faudra faire en sorte que demain nous ayons des surfaces qui soient pilotées par des actionneurs les plus compacts possible, et au plus près de la surface afin de pouvoir maximiser les effets aérodynamiques. Ces appareils seront ultra manoeuvrables, et pour cela les actionneurs devront être le plus intégrés possible.

Sébastien Lecornu, ancien maire de Vernon, est désormais notre nouveau ministre des Armées. Est-ce que cela peut-être bénéfique pour les activités d'Actuation Systems en Normandie ?

Nous sommes tout d'abord très fiers d'avoir un ministre de la Défense qui vient de notre territoire en tant que citoyens. Après la visite du Président de la Région Normandie Hervé Morin en juillet dernier, nous avons aussi eu l'honneur et le privilège de recevoir les ministres Sébastien Lecornu et Clément Beaune sur notre site de Vernon quelques mois plus tard. Cela a été un grand plaisir de leur présenter ce que nous sommes capables de faire, de leur montrer également les investissements qui ont été les nôtres à travers le Plan France Relance dont nous avons été lauréat.

Dans le cadre du Plan France Relance, nous avons été extrêmement novateurs sur ce que nous voulions faire depuis le site de Vernon notamment, avec des financements de Collins Aerospace et de la DGAC pour développer de futurs actionneurs plus électriques, plus compacts et plus fiables pour l'aviation civile. Mais entre le monde de l'aviation civile et le monde de l'aviation militaire, il n'y a pas vraiment de parois étanches entre les deux domaines. Les bénéfices que nous tirons d'un côté peuvent être transposés à l'autre. Toutes les avancées que nous avons pu faire dans le domaine commerciale sont des technologies que nous pouvons apporter si ces technologies intéressent le domaine militaire. Avoir une empreinte en balance entre le monde civil et le monde militaire, c'est quelque chose de très positif en termes de valeur.
 
 

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