Pourquoi AKKA se renforce dans le maintien de la navigabilité des avions les plus récents

Propos recueillis par Romain Guillot
le 16/11/2020 , Maintenance aéronautique, Industrie & Technologie
Alors que les services sont logiquement très fortement impactés par la crise profonde que traversent les opérateurs avec l'apparition de la pandémie, nous nous sommes entretenus avec Pierre-Yves Lazies, Vice President de la branche Aircraft Support & Operations d'AKKA. Il analyse pour nous les actuels défis du secteur et nous expose les opportunités qui se présentent pour les activités aéronautiques du groupe d'ingénierie et de conseil en technologies.


Comment se porte AKKA dans cette situation inédite qui impacte fortement l'industrie aéronautique ?

Comme l'ensemble des acteurs de l'aéronautique, le groupe AKKA souffre de la situation inédite actuelle. Les activités liées aux opérations aériennes et aux reconfigurations cabine sont particulièrement impactées. Toutefois, nous considérons cette crise comme une réelle opportunité pour rechallenger les stratégies « make or buy » établies par les compagnies aériennes.

Les activités de modification en particulier côté avionique se maintiennent, car certains lessors et certaines compagnies aériennes en profitent par exemple pour se mettre en conformité avec des mandats.

En revanche les activités de maintien en conditions de navigabilité (CAMO) sont en forte croissance, notamment grâce aux problématiques de stockage des avions. AKKA s'appuie sur une expérience de 25 ans et une expertise solide pour accompagner nos clients sur les problématiques de maintien de navigabilité durant le stockage, et des programmes de maintenance optimisés. Nos clients nous font confiance et nous avons déjà accueilli plusieurs dizaines d'appareils sous notre CAMO au cours de ces derniers mois.

Quelle analyse faites-vous de la situation dans laquelle se trouve le transport aérien ?

Le trafic aérien mondial reste fortement réduit avec des taux de remplissage toujours faibles, et les compagnies aériennes peinent à couvrir leurs coûts.

En parallèle, nombre d'appareils loués ne sont pas opérés et sont stockés dans des conditions plus ou moins acceptables. Tant que ceux-ci restent sous la responsabilité des compagnies aériennes, les lessors économisent les coûts de stockage, de maintenance et de maintien en conditions de navigabilité. Par ailleurs, alors que l'Europe est confrontée à une seconde vague, les repossessions vont très certainement s'accélérer dans les prochains mois, avec des faillites et des réductions de flottes imposées aux compagnies aériennes pour pouvoir survivre.

Ce que nous observons aussi pour l'instant, c'est que les lessors ont tendance à laisser leurs avions en compagnies aériennes en attendant d'avoir un niveau de certitude suffisant sur leur viabilité, et ils déclencheront les « recovery » en fonction des opportunités qui se présenteront chez d'autres opérateurs à la situation plus robuste. Je pense malheureusement que nous n'avons pas encore atteint le pic du stockage.

Existe-t-il encore quelques opportunités sur le marché du retrofit cabine et notamment sur les monocouloirs ?

Nous le croyons. Nous observons cependant des approches très prudentes, notamment en termes de dimensionnement de la modification. En revanche les loueurs savent que la loi du plus rapide prévaudra et les spéculations ont déjà commencé pour avoir le bon avion au bon moment.

Vous avez mentionné des conditions de stockages peu acceptables ?

Avec l'hiver, les avions vont être stockés dans des conditions qui ne sont pas idéales. L'humidité sur des boîtiers avioniques d'une valeur de plusieurs centaines de milliers de dollars, les batteries, les réseaux électriques... cela va réellement poser des problèmes si les conditions de stockage ne sont pas nominales.

De nombreux appareils sont stockés un peu partout et sont sous la responsabilité des compagnies aériennes et non des MRO. Quand le trafic repartira, il faudra mettre en place des procédures de remise en service avec des checks adaptés pour des raisons de sécurité. Il faudra bien entendu également prendre en compte le facteur humain, alors que certaines compagnies aériennes auront des problèmes sociaux à gérer, du temps partiel au sein de leurs équipes, des mesures de chômage partiel etc...

Quels leviers avez-vous activés pour franchir cette période compliquée ?

Dès le mois de mars, nous avons travaillé sur un plan stratégique pour pouvoir anticiper la situation que nous constatons aujourd'hui. Nous avons alors très vite compris que les besoins en services CAMO allaient augmenter et avons lancé des procédures de formation auprès de nos ingénieurs possédant un background aéronautique et ingénierie de maintenance afin de répondre à la demande. Nous avons ainsi doublé les effectifs de l'équipe CAMO depuis le mois de mars.

Pour pallier la problématique des restrictions sur les déplacements, nous avons également pu nous appuyer sur notre réseau de Field Rep présents tout autour du globe pour pouvoir réaliser des inspections directement sur site et en dépit des contraintes imposées aux frontières. AKKA dispose en effet de nombreux Field Rep à travers le monde pour les besoins d'Airbus et Safran, ce sont des contrats historiques. Nous avons ainsi eu jusqu'à 70 Field Rep repartis un peu partout sur la planète et nous nous sommes reposés sur ceux qui se sont retrouvés sans mission pour réaliser des inspections avion sur place. Cela a constitué un facteur de succès pour notre service de gestion technique d'assets.

Cette décision s'avère aujourd'hui payante, puisque nous avons multiplié par 3 le nombre d'appareils sous notre responsabilité. Nous avons en parallèle accéléré nos actions de diversification vers le marché militaire, notamment dans le domaine du retrofit avion. Nos équipes de modification avion se sont vu confier des études de faisabilité sur des projets concernant des appareils gouvernementaux et certains sont très dimensionnants.

Quelles sont vos priorités pour les mois à venir dans cet environnement tourmenté ?

La priorité numéro 1 est évidemment la sécurité de nos équipes. Nous devons ensuite bien entendu maintenir un niveau d'activité suffisant nous permettant de conserver nos expertises. Du côté des modifications avion, nous accompagnons plusieurs start-ups qui souhaitent pouvoir offrir leurs solutions dès la sortie de crise. Nous nous tenons prêts également pour pouvoir supporter les besoins de reconfigurations cabine qui seront importants dès la reprise du trafic. La réactivité sera clé dans la course au replacement des avions.

Toute activité CAMO sera bien sûr une belle opportunité pour nous, néanmoins nous ciblons tout particulièrement les appareils de dernières générations tels les NEO, l'A350 et le 787, qui sont des appareils avec de multiples composantes software. Outre le fait que ces appareils constituent les assets bénéficiant des valeurs résiduelles les plus élevées, leur niveau d'avancement technologique impose une maîtrise de la gestion des logiciels embarqués très pointue.

Certains loueurs et opérateurs sont en train de découvrir que l'on ne transitionne pas ces types d'avions de la même façon que les appareils dits « Legacy ». On ne gère pas la transition d'un A350 comme celle d'un A330 de 12 ans puisqu'il peut y avoir jusqu'à 400 logiciels à gérer et à mettre à jour côté avion, avec le support de l'avionneur. Notre bureau d'étude est formé sur ces sujets, car ils ont notamment participé au développement de ces appareils. La gestion des LSAP (Loadable Software Airplane Parts) est une expertise forte de nos équipes Airworthiness & Technical Services.

Nous allons d'ailleurs lancer une série de webinars gratuits animés par nos experts très prochainement pour sensibiliser sur ces sujets et accompagner les loueurs et les compagnies aériennes dans leurs transitions.



Pierre-Yves Lazies, Vice President de la branche Aircraft Support & Operations d'AKKA. Photo © AKKA

 
 

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