La première pilote féminine de l’histoire des Red Bull est française ! Mélanie Astles, membre de l’équipe de France Elite aux derniers championnats du Monde de voltige de Châteauroux, intègre le prestigieux circuit des Challengers.
Quel est votre parcours ?
Mélanie Astles : J’ai eu un parcours scolaire un peu chaotique, du coup j’ai quitté l’école en 1re pour faire des petits boulots. C’est comme ça que j’ai débuté ma carrière professionnelle, notamment en étant caissière dans une station-service de Roquebrune-Cap Martin où j’habitais à l’époque. Je me suis très vite vu confier le management de la station-service et de fil en aiguille suis devenue conseil en la matière à travers toute la France. Grâce à l’argent gagné, j’ai pu reprendre mes études, passer le BAC en candidate libre et obtenir une aide à la reconversion pour devenir pilote professionnel en 2008 (CPL/IR/MCC). Mon but était de devenir pilote de ligne, mais devant le mutisme des compagnies à qui j’envoyais mes CV, j’ai présenté le concours de l’ENAC d'où je suis sortie major de ma catégorie, celle des pilotes professionnels. Comme du côté des compagnies aériennes l'horizon des embauches ne s'éclaircissait toujours pas, j’ai poursuivi mes activités d'enseignement en aéro-club, engrangeant une expérience qui m’a permis de devenir instructrice à l'ENAC en 2011. Parallèlement je me suis investie dans la voltige !
Comment avez-vous été contactée par Red Bull ?
MA : Ce n’est pas Red Bull qui m’a contactée, c’est moi qui les ai harcelés ! Je leur ai tout simplement dit que c’était mon rêve de faire les Red Bull air races. J’ai eu un échange très amical avec Sergio Pla Merino (le patron de l’aviation chez Red Bull) après le championnat d’Europe Advanced en 2013. Il a été très accueillant et ouvert et m’a dit d’emblée : « il faut que tu augmentes ton niveau en voltige et que tu continues à nous solliciter régulièrement ! »
Le premier stage s’est déroulé comment du coup ?
MA : Au printemps 2014 j’ai été invitée à suivre un stage de voltige encadré par Bernard Paris à Murska Sobota, en Slovénie. Nous avons passé 5 jours à travailler la voltige et j’ai eu un premier entretien avec Sergio et un autre avec le « psy Red Bull ». Pour rentrer dans le team, il faut répondre à des critères très stricts. Pour faire court, chez Red Bull, ils fuient les casse-cou et les trompe-la-mort. L’ambiance est à la fois extrêmement professionnelle et très conviviale. A la suite de ce premier stage, le deal était clairement de continuer à progresser parce que je n’avais tout simplement pas le niveau. Les règles sont claires : il faut soit être niveau Unlimited (Elite), soit pilote militaire.
Vous avez réussi à franchir le step…
MA : Oui, très grosse marche de passer de l’Advanced à la catégorie Elite. Et puis comme un fait exprès, la saison a été très compliquée avec beaucoup de changements d’avion puisque je n’en possède pas. Mais j’obtiens le titre de championne de France Elite et me qualifie aux championnats du Monde de Châteauroux.
Un rêve éveillé en fait…
MA : Oui tout à fait, j’étais dans la cour des grands. Bon, soyons clairs, j’ai fait 12 heures d’entraînement sur quatre modèles d’avions différents (Extra 300, CAP 231 EX, CAP 332 et le CAP 432). Le rêve tournait parfois un peu au cauchemar, en plus j’ai eu des soucis de santé qui m’ont privée du dernier stage d’entraînement. Bref, pas simple surtout pour voler à un niveau si élevé. Mais j’ai eu d’excellentes sensations au-delà des difficultés techniques et de mon manque d’expérience à un tel niveau. C’est vraiment beaucoup plus dur que l’Advanced. J’ai réussi à progresser, je suis restée sereine et j’ai pris beaucoup de plaisir durant la compétition. J’ai même fait une bonne entrée en matière avec 71% au Connu et même 74,22% au Libre. J’ai bien entendu été dépassée par les Inconnus (là, le manque d’expérience s’est fait sentir), et pour couronner le tout une météo défavorable m’a privée de toute chance de faire un beau score. Mais d’ores et déjà j’ai pu constater que les stages Red Bull m’ont fait progresser de façon très significative.
Et donc après le Championnat du Monde, vous étiez en Elite ; la porte pouvait s’ouvrir chez Red Bull ?
MA : Oui j’ai reçu un mail mi-novembre 2014 me proposant un stage de sélection pour devenir Challenger pilote en 2016. Vous imaginez ma joie !
Comment avez-vous vécu cette sélection ?
MA : Nous étions à Madrid-Ocaña, en Espagne pour un stage de 8 jours. Les trois premiers jours nous ont permis de prendre en mains les avions. Moi j’avais pas volé depuis le championnat du monde, ça m’a fait un bien fou. Nous avons testé les limites de l’avion (Extra 300LX) en altitude en réalisant des décrochages dynamiques, des cloches (sorte de marche arrière) pour apprendre à enlever du matériel qui s’accrocherait sur l’aile et d’autres manœuvres axées sur la sécurité. Une fois ces techniques révisées, nous nous sommes approchés du circuit. Nous avons pu constater que les portes sont toutes petites à 300 km/h. Le circuit est très serré !
Et le travail sur le circuit proprement dit, comment l’avez-vous abordé ?
MA : Nous étions formidablement coachés par trois entraîneurs : Steve Jones, Serguei Racmanin, Klaus Schrodt (anciens Red Bull). Etant ambassadrice BMW Motorsport aux côtés de Yannick Dalmas, qui a remporté 4 fois les 24 Heures du Mans, j’ai aussi pris des conseils au téléphone auprès de cet immense champion. Nous avons travaillé sur le passage de la chicane qui est le point-clé pour apprendre à voler vite entre les pylônes. Les similitudes avec le sport auto sont incontestables. Après avoir rajouté une porte puis une autre, le 5e jour nous faisions le circuit tout entier.
Quelles sont les sensations ?
MA : La vitesse est extrême, le défilement est donc très rapide. Cela s’apparente clairement à un slalom de ski alpin. On atteint un niveau de concentration et une poussée d’adrénaline assez incroyables.
Comment avez-vous appris que vous étiez retenue ?
MA : Nous avons eu un entraînement très individualisé, l’entretien et l’annonce le furent aussi. Nous étions six au départ et nous serons quatre à intégrer les Challenger en 2016.
Qui sont vos nouveaux camarades de jeu ?
MA : Ben Murphy (ex-pilote des Red Arrows), Luke Czepiera qui revient aux Red Bull, c’est un ancien Challenger et Kevin Coleman, un américain de 25 ans qui est pilote de meeting.
Vous êtes donc la première femme à intégrer les Red Bull Air races !
MA : Oui c’est vraiment un rêve qui se réalise. Il y aura donc 8 pilotes et 6 pilotes par course. Je ne participerai pas en tant que concurrente à celle d’Abu Dhabi car j’en profiterai pour obtenir ma qualification immersion. Je vais pouvoir m’entraîner sans pression. C’est une très bonne chose. Maintenant il me reste surtout à trouver des partenaires pour disposer d’un avion pour parfaire mon entraînement. En réalité, tout va commencer maintenant !
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