Un lourd tribut

Emilie Drab
le 19/05/2020 , Transport aérien
Cette année, le mois de mai n'est pas si joli que ça pour l'aviation civile. Ayant abandonné tout espoir de redressement rapide, aéroports, compagnies aériennes, prestataires et industriels de toute taille se préparent désormais à un avenir dans lequel leur secteur sera durablement amoindri. Une bonne partie de la flotte mondiale restera clouée au sol pour au moins un an, certains avions ne revoleront jamais et la production/livraison d'appareils neufs va ralentir. Un tableau qui a de quoi réjouir les détracteurs de l'aérien, qui ne voient dans le secteur que son aspect de pollueur et s'insurgent contre les mesures de soutien envisagées.

Mais ce sont aussi des millions d'emplois qui sont menacés par le surdimensionnement de toutes les entreprises par rapport au niveau futur de la demande. Les industriels français membres du GIFAS, qu'ils soient avionneurs, équipementiers ou sous-traitants, font actuellement vivre près de 200 000 personnes en France. L'IATA estime quant à elle que 392 000 postes sont en jeu dans le transport aérien du pays, 6,7 millions en Europe et 25 millions dans le monde.

Pour beaucoup, le stade de la menace a été franchi, les dernières semaines ayant été marquées par une longue litanie d'annonces de suppressions de postes, plusieurs compagnies prévoyant une réduction de leurs effectifs comprise entre 20% et 30%. Quelque 20 000 postes pourraient être supprimés chez Air Canada, 12 000 chez British Airways, 10 000 chez Lufthansa, 5 000 chez SAS, un millier chez Brussels Airlines... La liste s'allonge chaque jour. Qatar Airways et Emirates prévoient elles aussi d'importantes vagues de licenciement, tandis que les compagnies américaines peuvent surseoir jusqu'à l'automne grâce à l'aide du gouvernement.

Les annonces des industriels donnent tout autant le vertige. Face au surplus d'avions et à l'afflux des reports de livraison, l'industrie a dû revoir ses cadences de production et, par extension, le niveau de ses effectifs. Boeing annonce 16 000 emplois de moins, GE Aviation 12 600, Rolls-Royce 8 000 et Airbus pourrait en supprimer 10 000... Là encore, ce n'est que le début et ce ne sont que les annonces les plus visibles. Mais la chaîne d'approvisionnement, qui compte nombre de petites entreprises, est fragile et la répercussion de ces baisses de cadences va être difficilement soutenable. Après des années avec des difficultés à recruter, la tendance pourrait bien s'inverser et s'orienter vers la destruction d'emplois.

Il est difficile de croire que les fondamentaux du monde d'après seront profondément différents d'avant la crise. En ce qui concerne l'aérien, il devrait rester un élément déterminant de la reprise économique, tout comme il a démontré son importance dans le cargo ces derniers temps, et tout l'objet de son combat aujourd'hui est de conserver les moyens humains et financiers de jouer son rôle. Plus il restera au sol, plus son tribut sera lourd.
 
 

Partager cet article :

 

Dans la même thématique

GIFAS IATA Air Canada British Airways

 

l'actualité aéroNAUTIQUE à LA UNE