Alitalia survivra-t-elle au coronavirus ?
Emilie Drab
le 10/03/2020 , Compagnies aériennes régulières
Cela fait quinze ans qu'elle le prouve : Alitalia est une survivante. Mais si elle était humaine, elle souffrirait de bronchite chronique et ferait désormais partie des personnes les plus vulnérables à l'épidémie de coronavirus. Or, avec ses 9 000 cas, l'Italie est le deuxième pays le plus touché au monde et le gouvernement a étendu le 9 mars le confinement à l'ensemble de la péninsule et non plus uniquement la partie nord. Cette décision pourrait porter le dernier coup fatal à une compagnie porte-drapeau déjà mal en point.
Alitalia ne cesse en effet de flirter avec la faillite depuis le milieu des années 2000. Plusieurs fois relancée, elle n'a jamais vraiment réussi à se redresser mais n'a jamais coulé non plus, donnant à ses salariés suffisamment de confiance pour rejeter tout plan drastique de redressement. Celui d'Etihad, refusé en mai 2017, a valu à la compagnie d'être placée sous administration extraordinaire en attendant d'être revendue. Car à l'époque, le gouvernement italien refusait d'endosser à nouveau le rôle de sauveteur, Alitalia ayant coûté trop cher aux contribuables italiens. Il lui a tout de même consenti un prêt de 900 millions d'euros pour lui permettre de vivoter jusqu'à sa vente.
Celle-ci a traîné. Le gouvernement a eu le temps de changer et a adopté une position moins catégorique sur la perspective de laisser Alitalia faire faillite si aucune autre solution n'était trouvée. La situation n'a donc pas évolué. La compagnie vit toujours grâce à l'argent public - un nouveau prêt de 400 millions d'euros a été accordé en décembre - et est toujours à la recherche d'investisseurs prêts à s'engager dans le sauvetage d'un transporteur semblant réfractaire au changement et qui perd 300 millions d'euros par an.
Alitalia en était là en février : sans direction depuis près de trois ans, sans partenaire stratégique, incapable de rêver d'équilibre financier et sous le coup de deux enquêtes de la Commission européenne (une par prêt). Rien qui soit de nature à la mettre à terre, finalement...
La déclaration de l'épidémie de coronavirus va peut-être changer la donne. Elle a détourné les voyageurs de l'Italie et ses ressortissants sont persona non grata dans plusieurs endroits du monde. Les avions se sont vidés et les fréquences ont été réduites. Le dernier lot de mesures, annoncé hier pour accompagner le confinement décrété pour le nord du pays, a même vu la suspension des opérations d'Alitalia à Milan et la limitation des opérations à Linate aux vols intérieurs, avec un programme allégé. Maintenant que l'Italie toute entière est confinée, la situation d'Alitalia pourrait devenir vraiment dramatique et sa roublardise ne plus suffire à la sauver.
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