L'A400M Tactical Display : une démonstration de haut vol

Daphné Desrosiers
le 21/06/2019 , , Aviation militaire
Dès vendredi, le public pourra assister aux démonstrations en vol de l'A400M lors du Paris Air Show 2019. Exposé en statique lors des journées professionnelles, le transporteur tactique démontrera ses incroyables performances pendant trois jours dans le ciel du Bourget. L'équipe du Journal de l'Aviation vous invite à découvrir les secrets de la genèse d'une histoire méconnue, celle de l'A400M Tactical Display.

Du rêve à la réalité

En 2018, les équipages du CIET (Centre d'instruction des Equipages de Transport) sont sollicités afin de réaliser une démonstration tactique lors d'une cérémonie officielle militaire. Dans l'esprit de Whisky, pilote d'A400M, les idées fusent et un programme s'impose rapidement afin de démontrer les capacités incroyables de l'avion quadri-turbopropulseur. Il dessine un enchainement de figures potentielles sur papier avant de les tester avec son binôme, Fish, pendant de longues heures au simulateur. Or le résultat n'est pas à la hauteur des grandes possibilités de l'avion et manque de dynamisme. L'équipage oriente ses recherches vers une démonstration tactique dite « avancée ». Celle-ci a deux objectifs : susciter des vocations et être plus démonstratif visuellement. Elle permet ainsi de présenter l'avion dans son contexte opérationnel soumis à une contrainte de temps imparti lié aux démonstrations aériennes. Elle requiert un équipage composé de deux pilotes spécialement entrainés à ce type de vol. Le loadmaster, toujours présent à bord, n'a quant à lui pas besoin d'une formation spécifique mais la réglementation impose sa présence quel que soit le type de vol. Assis entre les deux pilotes, il a tout le recul pour détecter la moindre anomalie. Pour Whisky et Fish, le pari est lancé et aussitôt, ils s'investissent corps et âme pour mener à bien leur projet. Ils élaborent un enchainement de figures visant à prouver les capacités hors norme de l'Atlas en toute sécurité et dans un environnement particulier, celui du public. Après avoir obtenu l'ensemble des validations réglementaires, l'équipage s'envole vers Salon de Provence pour la première des Ambassadeurs de l'Armée de l'Air le 9 mai 2018. Les deux pilotes n'ont alors pas conscience du succès qu'ils vont engendrer grâce à leur show aérien. Dix minutes de présentation et les organisateurs de meeting s'arrachent partout l'avion tactique ! De deux démonstrations officielles prévues pour l'année, le carnet de rendez-vous de l'A400M Tactical Display affiche rapidement complet avec plus de dix-huit présentations publiques. Le nom jusqu'alors inconnu innonde les réseaux sociaux et l'A400M s'impose dans tous les cieux par sa prestance devant des spectateurs ébahis.


© Tanguy Loadmaster

Perçons les secrets d'une démonstration aérienne !

Aucun vol ne s'improvise et chacun nécessite toujours de longs préparatifs. Le programme de démonstration qui s'annonce répond à l'ensemble de ces exigences réglementaires et les pilotes poursuivent un entrainement rigoureux afin d'optimiser la répartition des tâches et l'exécution parfaite des figures. En effet, dans tous les cockpits d'avions multi-pilotes, chacun a un rôle clairement défini : le « PF » (Pilot Flying) gère la trajectoire et le « PM » (Pilot Monitoring) assure toutes les tâches connexes au pilotage (changement de configuration comme la sortie des volets ou la rentrée du train). Whisky (PF) et Fish (PM) ont élaboré une stratégie pour communiquer en un minimum de mots lors de ces vols spécifiques. C'est la naissance de la musique pendant laquelle Fish annonce ses actions avec une certaine intonation à Whisky, qui se consacre entièrement au pilotage. S'il manque la moindre note, l'équipage réagit instantanément pour garantir le vol en toute sécurité. Le tempo s'annonce dès la fin du briefing lorsque l'équipage se rend à l'avion afin de finaliser la préparation du vol : insertion des performances du jour, du plan de vol et des derniers éléments nécessaires à la bonne exécution de la mission. Chaque démonstration est différente et certains enjeux sont considérables tels que le calcul des distances d'atterrissage pour que l'avion s'arrête pile devant le public tout en respectant les normes imposées par la réglementation. Après le démarrage de ses quatre moteurs, l'Atlas s'élance silencieusement sur la piste. Les 100 tonnes prennent leur envol majestueusement dans un rythme endiablé quand le PF affiche 30° d'assiette pour prendre un taux de montée vertigineux suivi d'un virage à 120° d'inclinaison. En l'espace de quelques secondes, l'avion démontre ses capacités d'évolution et sa grande manoeuvrabilité afin d'éviter un tir ennemi en dégageant rapidement l'axe de piste comme s'il évoluait dans une zone hostile. Stabilisé à 150 pieds, s'ensuit un passage TBA (Très basse altitude) à grande vitesse, à 290 noeuds, et l'A400M revient cette fois à basse vitesse, train et volets sortis pour son célèbre « Flip-Flap » : virages à 60° d'inclinaison en configuration atterrissage et à la vitesse minimale d'approche. Ces manoeuvres d'évitement répondent aux contraintes que les équipages peuvent rencontrer lors de missions opérationnelles. Le public n'est pourtant pas au bout de ses surprises quand l'A400M arrive face à lui à 330 pieds et 290 noeuds, ailes à plat pour une « Abeam Arrival », soit une arrivée perpendiculaire à l'axe de piste. Un break s'ensuit pour arriver sur l'axe final en vue d'une approche dite « grande pente » à 15°d'assiette (la pente standard est de 3° pour tous les types d'avions). Cette manoeuvre spectaculaire permet d'éviter les menaces provenant du sol le plus longtemps possible tout en créant un effet de surprise grâce à cette arrivée tardive. L'approche se termine par une remise de gaz et un virage à quinze mètres du sol face aux spectateurs afin de simuler l'intrusion d'un élément dangereux sur la piste tout en restant dans le volume protégé d'une base aérienne projetée avant d'intégrer un tour de piste basse hauteur, à quelques centaines de pieds pour un poser d'assaut sur une distance très réduite, en moins de 400 mètres. Portes et rampes s'ouvrent pendant la décélération (environ 55 noeuds) afin de pouvoir déposer du matériel (jusqu'à 25 tonnes) et de ravitailler les troupes de combat ou de déposer des véhicules armés comme l'équipage le ferait lors d'un atterrissage sur une base opérationnelle avancée, à Gao au Mali par exemple. L'avion s'arrête avant de reculer grâce à ses reverses sur une petite centaine de mètres pour, cette fois, réaliser un demi-tour tactique en moins de cinq secondes avant de s'envoler vers une nouvelle destination. Le public, émerveillé par cette brillante démonstration n'en croit pas ses yeux et reste béat d'admiration devant la prestation de l'A400M Tactical Display. Une ovation est faite pour l'équipage, qui déjà loin, salue ses admirateurs dans un dernier battement d'ailes.


© Daphné Desrosiers

L'A400M ou la naissance d'un Géant pointu

L'A400M prouve ô combien il est manoeuvrant en toutes circonstances grâce à ses moteurs puissants, ses commandes de vol électriques, ses calculateurs et son viseur tête haute (Head Up Display) qui permet de disposer des limitations de l'avion en temps réel et selon les conditions du jour (masse de l'avion, vitesse, facteur de charge etc.). Un nouvel appareil aux formes généreuses mais qui a des capacités dignes d'un chasseur grâce à un domaine de vol extrêmement large : évolutions à basse et grande vitesse (de 120 noeuds à Mach 0.72), virages à grande inclinaison (jusqu'à 120°) ou une protection au décrochage et un manche en « full back stick ». Une révolution dans le monde de l'aviation grâce à des automatismes hors normes où chaque pilote doit suivre une formation adaptée de trois mois. Cette qualification de type permet aux équipages de se familiariser à cet avion de nouvelle génération. Les pilotes de démonstrations de l'A400M Tactical Display, au nombre de quatre pour la saison 2019, Whisky, Fish, Nessim et Rix, ont conscience des incroyables prouesses technologiques, que ce soit lors de vols de démonstrations ou de missions opérationnelles. Ces quatre pilotes, bien qu'ils soient désignés pour effectuer les présentations publiques en vol, sont avant tout des pilotes opérationnels et doivent assurer en priorité les missions de l'armée de l'air. Que le public ne soit pas déçu si lors d'un meeting aérien leur venue est annoncée et qu'ils manquent à l'appel. La raison est noble car ils sont partis remplir leur mission : assurer la protection de la France et ce, jour et nuit et hors de nos frontières. L'A400M a déjà prouvé à de nombreuses reprises son engagement sur de nombreux théâtres d'opération comme Chamal ou Barkhane.


© Whisky

 
 

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