Le « cas TK »

Romain Guillot
le 31/03/2020 , Industrie & Technologie, Transport aérien
Les relations entre les compagnies aériennes et les industriels s'annoncent tumultueuses pour les prochains mois, avec des reports de livraisons et des annulations de commandes qui pourraient s'avérer importants, et ce pour tous les segments de marché (régional, moyen-courrier et long-courrier). Car à la situation financière des opérateurs qui prévaudra en sortie de crise et à la réévaluation des besoins au regard de leurs perspectives de développement pour les trois prochaines années s'ajouteront aussi les effets induits de la baisse du carburant et une très probable augmentation du nombre d'avions récents qui seront rendus disponibles sur le marché.

En l'état, tant qu'une importante partie de la flotte mondiale restera clouée au sol, il est extrêmement difficile de mesurer l'impact de la pandémie sur le transport aérien et ses conséquences durables sur les avionneurs. Les économistes et les analystes du secteur ne peuvent se référer qu'aux effets d'autres crises (Lehman Brothers, SRAS, 11 septembre, première guerre du Golfe ...), alors que ces modèles semblent finalement largement inadaptés, laissant hélas de fait largement s'instaurer les scénarios les plus sombres. Bref, tout le monde est en vol à vue.

Il existe pourtant des indices qu'il faudra suivre plus que d'autres, à l'image de la reprise des activités mondiales d'une compagnie aérienne comme Turkish Airlines (TK) par exemple, aujourd'hui très largement sabrées. La compagnie turque dispose de l'un des plus vastes réseaux aériens au niveau mondial (126 pays desservis, record mondial), d'une flotte équilibrée en termes de capacités (à la différence d'une compagnie comme Emirates) avec d'importants programmes de renouvellement et de développement en cours vis-à-vis des deux grands avionneurs.

Cette compagnie aérienne a d'ailleurs subi un certain nombre d'aléas en provenance des OEM ces derniers mois, à l'instar des effets de la crise du 737 MAX (12 appareils livrés, 65 en commandes), des effets du vieillissement prématuré des PW1100G (une poignée d'A321neo encore immobilisé nacelles vides à Istanbul mi-février), ou encore avec les délais de livraison allongés pour ses A321neo en configuration ACF (une importante partie de ses 75 A321neo encore attendus). Autre problématique, et non des moindres, Turkish Airlines devait encore réceptionner près d'une cinquantaine d'avions gros-porteurs neufs chez Airbus et Boeing dans les trois ans. Le premier de ses A350-900 était d'ailleurs attendu dans les prochains jours, avec un programme de vols particulièrement ambitieux pour cette nouvelle flotte d'appareils long-courriers cette année.

Finalement, la compagnie turque reflète à elle seule toute une série d'enjeux qui devront être observés très attentivement au cours des prochains mois pour permettre d'esquisser les grandes lignes d'une certaine tendance générale qui se mettra en place entre les acteurs du transport aérien et les OEM après la pandémie de Covid-19.

C'est ce que nous définirons comme le « cas TK ».
 
 

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