Meeting de Paris-Villaroche Air Legend édition 2019 : de la magie transsonique avec le F-86 E Sabre et Frédéric Akary
Daphné Desrosier
le 02/09/2019 ,
Le meeting de Paris-Villaroche approche à la vitesse du son et l'équipe du Journal de l'Aviation suit quotidiennement le plan de vol concocté par l'AJM Airshow. Si l'arrivée de la star à réaction de cette année n'est plus un secret, un autre jet de collection, tout aussi exceptionnel s'apprête à vous offrir un spectacle unique pour cette édition 2019. Aux commandes du F-86 E Sabre, Frédéric Akary vous emmènera avec élégance dans le ciel parisien pour une danse de haut vol menée à grande vitesse. Nous vous offrons cette semaine l'histoire du F-AYSB et de son pilote, Frédéric Akary.
Du Cap 10 au Sea Fury
Le parcours de Frédéric Akary n'a pas toujours été un vol de croisière sans turbulence, mais ses passions, le pilotage et la mécanique lui ont fait franchir les obstacles avec aisance. Commandant de bord long-courrier, le pilote totalise à ce jour plus de 16000 heures de vol sur des avions tous plus incroyables les uns que les autres.
« Je suis un stagiaire «A-éroclub», c'est-à-dire que j'ai réalisé ma formation en aéroclub, finançant mes heures de vol en exerçant différentes activités pour mener à bien mon projet. Il paraît qu'à l'âge de 3 mois, je regardais déjà les avions voler et dès 9 ans je me lançais dans la construction de modèles réduits tout en lisant les aventures de Buck Dany et Tanguy et Laverdure. Au fil du temps, j'accumule les heures de vol sur Mudry Cap 10 et deviens rapidement instructeur avant d'intégrer l'équipe de France de voltige. Tout s'enchaîne rapidement, du monomoteur au biréacteur avant d'intégrer la compagnie Air Inter sur la prestigieuse SE 210 Caravelle avant d'intégrer Air France. Parallèlement, j'apprends la mécanique et me passionne pour la restauration d'épaves d'avions anciens. C'est la naissance d'une nouvelle aventure, celle des Warbirds, où se conjuguent la magie du vol, la voltige et l'entretien minutieux de ces machines mythiques qui représentent pour moi la plus belle mécanique qui puisse exister. Une histoire qui se concrétise par l'acquisition d'un chasseur britannique de la Seconde Guerre Mondiale, l'illustre Hawker Sea fury. »
Plusieurs milliers d'heures de travail sont nécessaires avec son ami André Olivier pour la restauration afin que l'avion revole avec toute sa grâce et sa combativité. Pour Frédéric Akary, faire voler ces machines anciennes n'est pourtant pas la seule finalité :
« C'est important d'être un des maillons de l'histoire. Les avions, quels qu'ils soient, ont une histoire, un patrimoine qu'il est important de transmettre. C'est en les restaurant, les entretenant avec soin que cet héritage pourra perdurer et traverser plusieurs générations. Nous avons la chance de vivre dans un pays d'aviation et la France, encouragée par ses administrations, permet de préserver notre culture aéronautique ».
Photo © Jean-Pierre Touzeau
Du piston au réacteur ou une belle histoire d'amitié
Une vente d'avions de collection s'annonce aux États-Unis et Frédéric Akary s'y intéresse. L'Atlantique se franchit en quelques heures et c'est à Chicago qu'il rencontre un pilote exceptionnel, Vlado Lenoch, connu mondialement pour son pilotage et ses démonstrations uniques. Du double coup de coeur avec l'américain et le North American P-51 D Mustang « Moonbeam McSwine » s'ensuit une véritable amitié et Frédéric acquiert ce merveilleux Warbird qu'avait piloté à de nombreuses occasions le célèbre aviateur aux 11000 heures de vol. Manuel de vol, Check-list, guide d'entretien...sont tout autant de guides que Frédéric lit et intègre avant de s'auto-lâcher sur le Mustang, comme il l'avait déjà fait avec le Sea Fury. Et c'est tout le problème des avions monoplaces et son ami Vlado peut également lui fournir de précieux conseils. Le « Moonbeam McSwine » fascine le public lors des meetings aériens même si Frédéric, discret et d'une humilité remarquable, pense qu'il peut toujours faire mieux : soit il manque 50 pieds, soit il manque 5 Kts de vitesse pour que ce soit parfait et ce sont tout autant de recherches d'amélioration pour tendre vers la perfection et la sécurité. Frédéric pense que sur les 70 démonstrations en vol qu'il a faites avec le Mustang, une seule était parfaite à son goût : c'était pour le meeting de clôture des Championnats du monde de voltige aérienne en 2015 à Châteauroux, un clin d'oeil à son passé de voltigeur :
« 120 vols de démonstration, 310 h en Warbirds et...so what ? Le pilotage d'un avion est une remise en question permanente. Les séances de simulateur obligatoires des pilotes de ligne sont la preuve de toute la difficulté du niveau requis : faire voler un bimoteur après une avarie, et donc se retrouver à contrer les effets induits, gérer les conséquences de la panne et se retrouver en pilotage manuel (raw-data) n'est pas aisé malgré l'entrainement régulier. Le pilotage d'un Warbird à piston est tout aussi délicat. Il faut rester vigilant à chaque instant, apprendre à respecter la machine et l'environnement, et contrer les effets gyroscopiques de l'hélice avec des moteurs extrêmement puissants ».
Photo © Jean-Pierre Touzeau
L'année 2018 est l'année des bouleversements : Vlado Lenoch se tue au cours d'un meeting à bord du P-51 Mustang « Baby Duck ». Frédéric Akary est effondré. Lorsque la Warbird Heritage Foundation le contacte pour récupérer le « Moonbeam McSwine » en hommage à son ami, il franchit l'Atlantique avec son amour des avions et de l'âme qui les anime. Après 4500 heures de travaux de rénovation depuis son arrivée en France, le P-51 D reprend sa place aux États-Unis. L'Histoire de l'aviation se poursuit néanmoins et le pilote français accepte l'échange pour un nouvel aéronef présenté lors de sa visite de la fondation et des avions pilotés par Vlado Lenoch : un Canadair F-86 E Mk 6 Sabre.
« Le rêve paraissait inaccessible. J'hésitais, car cela représentait un véritable défi. J'en discutais avec Steve Hinton, le grand maître des Warbirds qui me disait alors « : c'est un avion facile, mais c'est surtout le plus beau du monde. Tu verras, c'est une merveille ! ». C'était également l'avion préféré de Bob Hoover...une référence biblique ! L'aventure était tentante et ce sont ces mots de Bernard Chabert qui me sont restés à jamais gravés dans la mémoire et qui en ont fait mon Mantra et fini par me convaincre « On trouve toujours une bonne raison de ne pas faire les choses, mais au final il y a le club des pisse-froid et des autres ! ».
S'offrir le ciel en 3D
Une formation complète s'impose pour apprivoiser le jet de collection. Premiers vols sur T2 Buckeye, l'avion emblématique de l'US Navy avant de poursuivre la formation sur MiG-15 biplace.
« Jusqu'alors, j'étais un peu déçu, car je ne retrouvais pas les sensations intenses du Warbird à piston. 42 heures de cours au sol s'ensuivent avant de pouvoir voler sur le Sabre et c'est sans compter les 200 heures de travail personnel ! 9 heures de vol solo et un test en vol par la Federal Aviation Administration (FAA) finalisent la qualification de type sur le monoplace. Il est généralement difficile d'apprécier un avion lors d'un premier vol, car il y a tant à faire. Malgré le fait que le Sabre soit un avion à procédures, tout comme les avions de ligne, une fois posé, je demandais à refaire les pleins pour repartir pour un deuxième vol tant je m'étais régalé. Cet avion est le rêve absolu de tout pilote ! Le Sabre est facile à piloter et il est sain. Il peut monter à 50000 pieds en 6 minutes et voler à 600 Kts. Sa menace ? le nombre de G, car il ne demande qu'à accélérer et les 5 G qui durent malgré la combinaison Anti-G obligatoire, c'est dur et cela peut vite devenir dangereux. Mais ma formation aux États-Unis m'a fait appréhender les dangers du pilotage sous fort facteurs de charge et j'ai appris à connaître les limites de mon organisme puisque mon instructeur m'a amené jusqu'au G-lock (perte de connaissance) lors de mon entrainement sur T-2 Buckeye et je l'en remercie !
La première démonstration officielle du Sabre fût célébrée lors du meeting d'Orange, accompagnée par la Patrouille de France ! il a fallu s'entraîner et apprendre de ses erreurs dans un espace le plus large possible avant de le réduire au box de présentation. L'avion vole vite et il faut respecter le volume dans lequel je dois évoluer, j'y vais « step by step » en prenant des marges importantes, il faut au moins 2 ans pour arriver à construire et faire une belle démo. Grâce à l'Armée de l'Air et la base aérienne d'Orange, j'ai eu une zone dans laquelle m'entraîner et c'est une réelle chance. C'est le seul exemplaire à voler en Europe et je remercie l'administration française qui a été extraordinaire. Que ce soit la Direction Générale de l'Aviation Civile, la Direction de la sécurité de l'Aviation Civile (DSAC), la Direction Générale de l'Armement (DGA) ou les Douanes, tout le monde a contribué à faire voler ce jet de collection. Un sacré challenge, mais quelle joie de s'offrir le ciel sans aucune limite. La France est un grand pays d'Aviation. »
Photo © Mistral Warbirds
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